Après la comédie Présidents, sorti en 2021, Anne Fontaine est de retour derrière la caméra avec Boléro, biopic autour de Maurice Ravel, grande figure de la musique française. Le récit nous emmène en 1928. Alors que Paris vit au rythme des années folles, la danseuse Ida Rubinstein commande à Maurice Ravel la musique de son prochain ballet.
Tétanisé et en panne d’inspiration, le compositeur feuillette les pages de sa vie, les échecs de ses débuts, la fracture de la Grande Guerre, l’amour impossible qu’il éprouve pour sa muse Misia Sert… Ravel va alors plonger au plus profond de lui-même pour créer son oeuvre universelle, le Boléro.
Un projet ambitieux !
Pour construire le récit de Boléro, Anne Fontaine est d'abord partie d'un souvenir. Lorsqu'elle était jeune danseuse, elle a été marquée par le Boléro dans la chorégraphie de Maurice Béjart, dansé par Jorge Donn. Elle l'a trouvé à la fois moderne et érotique.
"Il y a ensuite un désir : l’envie, depuis longtemps, de réaliser un film sur la musique et la danse. Mon père étant compositeur et organiste, j’ai baigné toute ma vie dans une atmosphère musicale. Il y a enfin l’énigme que représente le créateur de cette œuvre inoxydable, qui voyage à travers les époques et les pays, inspire les groupes pop comme la musique répétitive", souligne la cinéaste.
"Comment Ravel l’avait-il conçue ? Je savais peu de choses sur sa personnalité. Je me suis mis en tête de le rencontrer à travers la construction cyclique et envoûtante du Boléro", ajoute Anne Fontaine. Bien que le compositeur ait suscité d’innombrables analyses de spécialistes, la somme biographique et critique de Marcel Marnat (que Anne Fontaine a eu la chance de rencontrer) reste la Bible sur le sujet.
"Ses interviews de Manuel Rosenthal, qui a été l’élève de Ravel, et celles de Marguerite Long (pianiste légendaire et autoritaire interprétée par Emmanuelle Devos dans le film), portent principalement sur la construction des œuvres. Marguerite Long insiste notamment sur leur minutie, leur précision et leur structure quasi mathématiques", indique la cinéaste. Ce travail de recherche a permis à la réalisatrice de créer une oeuvre qui se rapproche au maximum des événements liés à l'élaboration du mythique Boléro.
Un comédien transformé
Pour interpréter Maurice Ravel, Anne Fontaine a choisi Raphaël Personnaz. Le musicien était très maigre et très sec. Ainsi, l'acteur a perdu 10 kilos, par souci de ressemblance, mais aussi pour entrer dans la peau du personnage.
"Le pianiste Alexandre Tharaud m’avait confié que, lorsqu’il jouait du Ravel, il avait le sentiment de rentrer dans ses mains. J’aimais beaucoup l’image. J’ai essayé d’appliquer cela à mon corps", explique le comédien de 42 ans.
"Ravel se tient toujours très droit. Il existe 23 petits films muets de lui : dès qu’il sent que l’attention est posée sur lui, qu’il repère la caméra ou que quelqu’un s’approche de lui, il se raidit. Même lorsqu’il est au piano, il se tient très droit."
"Comment pouvait-il vivre éternellement comme cela ? Mystère. Il ne se relâchait qu’en composant sa musique. J’ai donc travaillé cette forme de sécheresse et en même temps cette bonté que tous prêtent à Ravel", précise Raphaël Personnaz.
Le piano à l'honneur
Par ailleurs, si le comédien a de solides bases en piano, il a dû s'améliorer pour les besoins du film aux côtés du célèbre pianiste Alexandre Tharaud.
"Lorsque Anne m’a présenté Alexandre, j’ai vu ce que c’était que de jouer du Ravel. Alexandre m’a mis entre les mains d’un professeur, Fréderic Vaysse-Knitter, avec qui j’ai appris à jouer 'La Pavane' et plusieurs autres morceaux. Ce qui fait, qu’à 80% dans le film, ce sont mes mains qui jouent."
Pour Raphaël Personnaz, il était important pour le film qu'il soit en mesure d’assurer ces 80%. "Alexandre Tharaud prend le relais sur les 20% restants, il m’aurait fallu au moins 10 ans de pratique pour atteindre son niveau et un miracle pour atteindre son génie."
Le résultat à l'écran est très authentique et d'un réalisme à couper le souffle. L'acteur a vraiment tout donné pour retranscrire le plus fidèlement possible la personnalité complexe de Maurice Ravel ; de plus, la confrontation avec les personnages féminins de l'histoire, incarnées par Doria Tillier, Emmanuelle Devos et Jeanne Balibar, est absolument savoureuse.
Boléro est sorti dans les salles obscures le 6 mars.