De quoi ça parle ?
Une prétendue malédiction semble s'abattre sur un couple de jeunes mariés qui essaient de concevoir un enfant. Leur quotidien est filmé 24h sur 24h car ils participent à une émission de télé-réalité.
The Curse, une série créée par Nathan Fielder et Benny Safdie avec Emma Stone, Nathan Fielder, Benny Safdie…
La série la plus bizarre de l’année
Dans The Curse, Asher (Nathan Fielder) et Whitney Siegel (Emma Stone) sont mariés depuis un an, et vivent à Española, une ville ouvrière du nord du Nouveau-Mexique. C'est là qu'ils espèrent lancer une véritable révolution avec des maisons écologiques dites passives et comptent par la même occasion vendre le pilote de leur émission sur HGTV – une chaîne de télévision spécialisée dans la décoration – qui se concentre sur les efforts du duo pour construire et vendre ces maisons chics et durables conçues par Whitney.
Whitney et Asher se vivent comme des philanthropes – alors qu’ils sont de purs capitalistes – et des personnes progressistes en vivant à Española, et en espérant attirer des acheteurs de l'extérieur et des entreprises haut de gamme. Ils ont dans l’idée que leur action aidera en fin de compte la communauté, même si la plupart des habitants actuels ont du mal à joindre les deux bouts.
Comme l'explique Asher à une journaliste de la télévision locale Monica Perez, "nous croyons vraiment que la gentrification ne doit pas être un jeu où il y a des gagnants et des perdants".
Mais ce que le couple refuse obstinément d'admettre, c'est qu’être convaincu de quelque chose n'en fait pas un fait. Whitney, pour sa part, choisit de croire que les gens n'établiront pas de liens entre ses activités immobilières à Española et celles de ses parents, Paul (Corbin Bernsen) et Elizabeth (Constance Shulman), qui ont été qualifiés de "marchands de sommeil" par la presse locale trois ans plus tôt.
Et l’interview télévisée que donne le couple à Monica tourne au vinaigre lorsque cette dernière interroge Whitney sur "l'approche impitoyable des expulsions" de ses parents, et qu'Asher s'emporte. Un accès de colère qui va avoir une série de conséquences néfastes le couple.
Le début du cauchemar
Pendant ce temps, leur producteur, Dougie (Benny Safdie), venu de la télé-réalité, ne cesse d'insister pour que ses vedettes soient plus conflictuelles, incitant Asher et Whitney à se plaindre l'un de l'autre devant la caméra. Dougie essaie régulièrement de mettre en scène des moments pour l'émission, et dans la première, il convainc Asher de donner de l'argent à Nala (Hikmah Warsame), une petite fille somalienne qui vend des sodas sur un parking.
Une fois que les caméras ont cessé de tourner, Asher reprend l'argent – un billet de 100 dollars – et promet de revenir avec 20 dollars, mais Nala n'est pas d'accord. Furieuse, la petite fille le regarde avec la férocité dont seuls les enfants sont capables et déclare : "Je te maudis". Il tente de l'ignorer, mais au fur et à mesure que la production se poursuit et les actes faussement philanthropiques de Whitney et de lui-même se retournent contre eux. Et Asher commence à craindre que la malédiction de Nala n'ait de réelles conséquences.
Whitney et Asher sont entourés de gens qui les méprisent mais feignent de les tolérer parce que cela répond à leurs besoins. Comme Cara (Nizhonniya Luxi Austin), une artiste autochtone locale, qui accepte presque sans broncher les largesses des Siegel.
Après l'incident avec Nala dans le parking, le père de la jeune fille, Abshir (Barkhad Abdi, de Capitaine Phillips), devient la cible d’une générosité intéressée de la part d'Asher et Whitney, qu'il reçoit avec un détachement impassible. Il endure l'intrusion des Siegel dans la vie de sa famille mais refuse de leur donner la gratitude abjecte qu'ils désirent si clairement.
Ce n'est que lorsqu'Asher continue de demander à Nala des informations sur sa "malédiction" qu'Abshir réprimande enfin son bienfaiteur indésirable. "Si vous vous mettez une idée en tête, prévient-il, elle peut devenir très réelle." C'est une leçon qui arrive trop tard pour les Siegel – et la série explore comment les convictions auxquelles nous nous accrochons, bonnes ou mauvaises, peuvent être tout aussi destructrices.
Emma Stone, Nathan Fielder et Benny Safdie s’attachent à rendre leurs personnages parfaitement ridicules et détestables. Ils sont la caricature d’une gauche trop bien-pensante. Leur composition est souvent exagérée, et même si c’est voulu, l’effet produit sur le spectateur peut être l’inverse de l’intention de départ. La série dénonce une forme de mauvais goût tout en la pratiquant allègrement mais sans prendre la distance nécessaire pour que la comédie fasse mouche.
Une partie de ce résultat provient du penchant de Fielder à se complaire dans les moments de malaise, plongeant le spectateur dans son propre malaise longtemps, beaucoup trop longtemps en comparaison avec d’autres séries qui ont masterisé l’exercice.
D'autres scènes dérivent simplement vers nulle part, et l'on sent que Nathan Fielder et Benny Safdie ont peut-être souffert d’un peu trop d’autosatisfaction pour couper dans le vif. Mais toute cette bizarrerie et cette "gênance" – vilain terme à la mode mais qui s’adresse au public potentiel de la série – a de quoi trouver son public.
The Curse est actuellement diffusé sur Paramount+ à raison d'un épisode par semaine.