Au crépuscule de sa vie, Charles Chaplin se raconte à George Hayden, son biographe. Le “kid” qui, à 5 ans, a dû remplacer sur scène sa mère chanteuse de music-hall après qu’elle a été huée dans un cabaret londonien voit déjà son destin tout tracé : le spectacle sera son gagne-pain.
Au début des années 1910, repéré par l’impresario Fred Karno, l’artiste quitte les brumes de son Angleterre natale pour entamer une grande tournée aux États-Unis. Trois ans plus tard, un studio californien l’engage pour jouer ses gags au cinéma, sous la houlette de Mack Sennett. Un nouveau monde s’ouvre à lui…
Des années 80 jusqu’au début des années 90, Robert Downey Jr. est l’un des acteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est à cette époque encore lumineuse qu’il accepte le rôle de Chaplin, un biopic réalisé par le vétéran Richard Attenborough. Et c'est peu dire que, vu l'aura entourant ce monstre sacré du 7e Art, l'entreprise s'annonce périlleuse.
Pour le rôle, l’acteur se prépare et s’entraîne comme jamais. Il apprend à jouer au tennis de la main gauche, à jouer du violon, il regarde tous les films de Chaplin et il s'entraîne à mimer la posture et les gestes de l’artiste durant 10 semaines de coaching. Devenu Chaplin, Downey Jr. parvient également à insuffler de lui-même dans le personnage, en livrant une composition formidable et électrisante.
Si son interprétation suscita des critiques favorables, le film fut un très injuste et douloureux échec commercial, avec moins de 10 millions de dollars de recettes au box office international. Ce qui n'a pas empêché le comédien de glaner une citation à l'Oscar du Meilleur acteur. La seule à ce jour d'ailleurs, puisque celle obtenue en 2009 pour le film Tonnerre sous les tropiques fut une citation au titre du Meilleur acteur dans un second rôle.
"Nous faisons un film, pas un documentaire"
Ce rôle occupe donc une place bien à part et logiquement chère au coeur de l'acteur, qui a accepté de revenir dessus avec enthousiasme récemment, lors d'un entretien accordé à Vanity Fair alors qu'il assurait la promotion de Oppenheimer.
"Chaplin était un cadeau absolu et un véritable défi pour quelqu’un qui avait 25 ans quand ils ont commencé à préparer le film. Il y avait tous ces gens qui étaient encore là, comme Johnny Hutch qui venait du show The Benny Hill, qui connaissait le gars qui avait vraiment fait ces chorégraphies au théâtre Karno avec Chaplin. [...] Il m'a poussé durant des mois et des mois et des mois".
Johnny Hutch n'était pas n'importe qui. Décédé en 2006, cette légende vivante du monde du cirque fut l'un des plus grands acrobates britanniques du XXe siècle. Il fut d'ailleurs anobli par la reine Elizabeth II en 1994.
""J'ai utilisé tout ce que j'ai pu pour me présenter sur ce rôle" commente Downey Jr; soulignant même qu'avec son travail obsessionnel, il était devenu un expert sur son modèle d'origine. De là cette apostrophe d'Attenborough après le tournage d'une scène où l'acteur avait corrigé certains détails...
"Quand vous avez 25 ans et qu'on vous confie les clés du royaume, vous pouvez perdre vos moyens. Peut-être par peur, peut-être par manque de confiance. Et pour moi – à ce moment-là, sans vouloir me vanter – j’étais autant un expert de Chaplin que toute personne impliquée dans le projet. Et j'apportais des corrections à des choses qui étaient factuellement et historiquement inexactes, ce à quoi Attenborough a dit : "Mais mon garçon, nous faisons un film, pas un documentaire".