En pleine "Barbie Mania" (déjà plus de 3 millions d'entrées) cet été au cinéma - film de Greta Gerwig aux accents féministes et mettant au premier plan une héroïne forte et déterminée-, le distributeur Carlotta a la bonne idée de ressortir l’œuvre d'une cinéaste rare et méconnue, dont les films peuvent résonner avec certains des sujets soulevés par Barbie : la place du patriarcat, la libération de la femme, et ce qu'on appellerait aujourd'hui "l'empowerment" (l'autonomisation de la femme, pour le résumer simplement).
Cette cinéaste s'appelle Mai Zetterling. Et tout comme Greta Gerwig, elle va se lancer dans le scénario et la réalisation, après s'être d'abord fait un nom en tant qu'actrice. Cette artiste suédoise s'empare d'une caméra au début des années 60, à presque 40 ans. Elle va mettre au jour une filmographie de 7 longs métrages.
4 d'entre eux ressortent cet été : Les Amoureux, Jeux de nuit, Les Filles et Amorosa.
"Pionnière du cinéma féministe, Mai Zetterling s’est rapidement attirée les foudres de l’establishment patriarcal avec des œuvres d’une modernité saisissante et d’une grande liberté de ton, synthétise son distributeur Carlotta, dans la présentation de cette rétrospective partielle. Centrés sur des personnages féminins forts, ses films politiquement engagés dressent un certain état des lieux de la « vieille Europe », encore empreinte de puritanisme et sous domination masculine".
Un film en particulier résonne plus précisément avec Barbie. Il s'agit de Les Filles, son troisième long métrage, boudé à sa sortie, mais qui a valu à Mai Zetterling une reconnaissance internationale. Une comédie féministe, emmenée par des héroïnes attachantes.
L'histoire des Filles porte sur trois comédiennes, Liz, Marianne et Gunilla. Elles partent en tournée pour jouer Lysistrata d’Aristophane. Presque deux mille ans séparent l’écriture de cette pièce de sa représentation en Suède. Pourtant, les trois interprètes trouvent en leurs personnages des échos troublants à leur propre vie…
Les Filles offrent une mise en scène inventive, croisant plusieurs temporalités et osant quelques choix audacieux dans sa narration. Pour le choix de ses interprètes principales, Mai Zetterling s'est notamment tournée vers des comédiennes emblématiques du cinéma d'Ingmar Bergman, Bibi Andersson et Harriet Andersson. Le cinéaste suédois est d'ailleurs une des inspirations de l’œuvre de la réalisatrice mise en lumière par Carlotta cet été.
Une séquence à elle-seule des Filles mérite d'être vue, justement en écho avec Barbie, et ses propos qui résonnent forts plus de 50 ans après. Un discours puissant et inspirant martelé par une des héroïnes du film. "Femmes ! Lâchez votre tricot et votre louche ! Arrêtez d'élever vos comme de futurs esclaves de l’État providence. Nous pouvons manifester... Ce pays compte au moins un million de femmes âgées de 20 à 60 ans. Unies, imaginez le défilé immense que l'on pourrait faire ! Nos dirigeants seraient terrorisés..." Et on vous laisse découvrir la suite de ce moment qui va provoquer un concert de... klaxons ! Mais au fait, connaissez-vous les coulisses du monologue d'America Ferrera dans Barbie ? On vous dit tout ici !
Les deux précédents films de Mai Zetterling se veulent encore plus radicaux. Les amoureux est d'ailleurs indiqué comme interdit aux moins de 16 ans. L'intrigue se passe en 1914, à Stockholm. Trois femmes sur le point d’accoucher se rendent à l’hôpital. De conditions sociales diverses, Agda, Adele et Angela se remémorent leur enfance, leurs amours déçus et leurs illusions perdues…
"Sauvagement subversif dans son traitement de la sexualité, de la religion, du mariage et de la maternité, Mai Zetterling signe un premier film électrisant qui lui vaudra d’être présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes 1965", résume Carlotta, qui proposera ce film en salles, à partir du 9 août dans une version restaurée.
Quant à Jeux de nuit, Carlotta indique que ce film sélectionné à la Mostra de Venise 1966 a été "interdit de projection publique par peur d’un éventuel scandale". Et d'ajouter : "Le film divisera en effet autant la critique que les spectateurs, mais gagnera de sérieux admirateurs – comme en la personne d’un certain John Waters".
Les Amoureux, Jeux de nuit, Les Filles et Amorosa ressortent dès le 9 août au cinéma. Pour prolonger la découverte de son œuvre, dans son pendant le plus subversif, le film Dangereuse humiliation, connu sous le titre Scrubbers, est actuellement disponible sur le site d'Arte. Ce long métrage de 1984 est "considéré comme le pendant féminin de Scum d'Alan Clarke", et est réservé à un public averti.