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    Black Mirror 6 sur Netflix : l’épisode 1 pourrait bien devenir réalité
    Emilie Semiramoth
    Emilie Semiramoth
    Cheffe du pôle streaming, elle a été biberonnée aux séries et au cinéma d'auteur. Elle ne cache pas son penchant pour la pop culture dans toutes ses excentricités. De la bromance entre Spock et Kirk dans Star Trek aux désillusions de Mulholland Drive de Lynch, elle ignore les frontières des genres.

    Hasard ou coïncidence ? Le premier épisode de la saison 6 de "Black Mirror" n’est pas aussi farfelu qu’il y paraît à première vue. Explications.

    Après quatre ans d’absence, Black Mirror a enfin fait son retour avec une saison 6 plutôt déstabilisante, entre un univers familier et quelques libertés prises par Charlie Brooker et Annabel Jones, le duo infernal derrière la série anthologique.

    On a été dérouté par certains épisodes qui ne rentraient pas de manière stricto sensu dans la charte "technique" voire "technologique" de la série.

    Ce n’est pas le cas du premier épisode, "Joan est horrible", qui s’amuse à mettre en scène un univers plus que familier pour les abonnés et qui intègre les technologies actuelles telles que l’intelligence artificielle, les services de streaming et les deep fakes plus vrais que nature.

    Black Mirror
    Black Mirror
    Sortie : 2011-12-04 | 60 min
    Série : Black Mirror
    Spectateurs
    4,4
    Voir sur Netflix

    Un timing parfait

    Au lieu de s’appuyer sur le postulat de départ et de faire de cet épisode juste "l’histoire d’horreur technologique de la semaine", Charlie Brooker nous invite à réfléchir sur le paysage médiatique actuel.

    Joan (Annie Murphy) est une femme ordinaire qui a vu l’une des plus mauvaises décisions prises dans sa vie être diffusée sur un service de streaming populaire : Streamberry.

    En s’amusant du fait que les gens ne lisent généralement pas les conditions générales des contrats qu’ils souscrivent, l’épisode nous montre que Joan a essentiellement renoncé à sa vie tandis que l’actrice qui incarne la version Streamberry de Joan, Salma Hayek Pinault, a elle signé pour une exploitation éhontée des droits de son image.

    Sur le ton de la comédie, l'épisode joue sur la fin de la vie privée et des données personnelles via la souscription à n’importe quel abonnement – tout en prenant ouvertement position contre Netflix !

    Ensuite, l'épisode présente un ordinateur quantique, une machine qui est essentiellement une intelligence artificielle si avancée qu'elle écrit des scénarios, crée des deep fakes et diffuse la série en temps réel.

    Ce système qui remplace les scénaristes reflète d’une manière on ne peut plus prégnante la situation critique actuelle de la grève des scénaristes contre les studios qui les sous-payent et les réduisent à la portion congrue.

    Alors que Streamberry reprend exactement les mêmes codes que Netflix, "Joan est horrible" s'oppose aux plateformes de streaming qui sont dépourvues d'humanité, ancrant l'épisode dans le monde d'aujourd'hui plutôt que dans celui de demain.

    Nick Wall/Netflix

    Une inquiétude légitime

    Ce premier épisode s'attaque ainsi à cette tendance à l'automatisation dans l'industrie du divertissement en particulier, une préoccupation que la Writers' Guild of America (WGA) a dénoncée par sa grève en cours, et que la Stage Actors' Guild (SAG-AFTRA) s'apprête à rejoindre.

    Au cours de la dernière décennie, les streamers ont fait pencher la balance du développement de l'industrie vers des volumes insoutenables de contenu pour les téléspectateurs et des salaires beaucoup trop bas pour les scénaristes.

    Aujourd'hui, les dirigeants de l'industrie revendiquent les voix des acteurs, les histoires des auteurs et les données des utilisateurs pour de futurs divertissements automatisés.

    Netflix, le service de diffusion en continu qui diffuse Black Mirror (et qui a surenchéri sur la chaîne d'origine de la série pour obtenir ce droit), est l'une des principales cibles de la grève – et la dernière saison de Black Mirror le met clairement en avant.

    L'épisode, écrit par Charlie Brooker lui-même, élude le fait que ce sont les dirigeants de l'industrie des technologies, des médias et du divertissement qui choisissent un avenir digne de Black Mirror pour nous tous, et non un ordinateur sans visage. C’était peut-être la concession à faire pour que l’épisode arrive jusqu’à la plateforme.

    Mais qu’on ne s’y trompe pas, toute conclusion satisfaisante à cette préoccupation sera le résultat d'une transformation humaine, et non technologique.

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