MISE À JOUR du 02/05/2023 : La Writers Guild of America s'est mise en grève mardi, la première depuis 15 ans dans l'industrie du divertissement, après que l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP) a déclaré qu'elle n'était pas parvenue à un accord avec la WGA avant l'heure limite de minuit, rapporte The Wrap.
"La décision a été prise après six semaines de négociations avec Netflix, Amazon, Apple, Disney, Discovery-Warner, NBC Universal, Paramount et Sony sous l'égide de l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision", a déclaré la WGA dans un communiqué, ajoutant que le piquet de grève commencerait mardi.
"Le comité de négociation de la WGA a entamé ce processus avec l'intention de parvenir à un accord équitable, mais les réponses des studios ont été tout à fait insuffisantes compte tenu de la crise existentielle à laquelle les scénaristes sont confrontés."
Cette déclaration est intervenue peu après que la WGA a envoyé un courriel à ses membres pour les informer que les piquets de grève commenceraient mardi après-midi si un accord n'était pas conclu. Les studios ont également publié une déclaration.
"Les négociations entre l'AMPTP et la WGA se sont terminées sans accord aujourd'hui", indique le communiqué des représentants des studios. "L'AMPTP a présenté hier soir à la Guilde une proposition globale qui comprenait de généreuses augmentations de la rémunération des scénaristes ainsi que des améliorations des droits résiduels de diffusion en continu."
"L'AMPTP a également indiqué à la WGA qu'elle était prête à améliorer cette offre, mais qu'elle n'était pas disposée à le faire en raison de l'ampleur des autres propositions encore sur la table et sur lesquelles la Guilde continue d'insister", poursuit la déclaration.
"Les principaux points d'achoppement sont la 'dotation obligatoire' et la 'durée de l'emploi' - des propositions de la Guilde qui obligeraient une société à doter une série ou une émission d'un certain nombre de scénaristes pour une période donnée, qu'elle en ait besoin ou non". (Fin de la mise à jour)
Si aujourd’hui certains sont mortifiés à l’idée de voir leur série préférée se terminer – comme Succession ou Barry dans les semaines à venir – ils ne sont pas au bout de leur peine. Il y a de plus en plus de chances que des séries en cours s’arrêtent brutalement. Pas de nouvelle saison de The Night Agent. Pas de nouvelle saison de The Last of Us ou The White Lotus.
"Winter is coming" mais du côté des séries ! En effet, depuis la semaine dernière, tous les scénaristes d’Hollywood ont officiellement voté pour autoriser une grève. Si un accord n’est pas conclu d’ici le 1er mai, les scénaristes seront obligés de ranger leurs claviers, d’arrêter d’écrire des blagues, des intrigues rocambolesques ou des personnages pris dans des situations imprévisibles.
Comment est-ce arrivé ? Que veulent les scénaristes ? Qu’est-ce que cela implique pour nos films et séries préférés ? Et pourquoi on devrait sérieusement commencer à s’en inquiéter ?
Qu’est-ce que la WGA ?
Commençons par le commencement. La Writers Guild of America ou WGA est un syndicat qui représente les scénaristes professionnels sur tous les supports scénarisés, y compris les scénaristes de télévision, de cinéma, d’animation, de documentaires et même de jeux vidéo.
Ils négocient tous les trois ans des salaires minimum de base avec les grands studios de cinéma, les chaînes de télévision et les guildes de producteurs afin de garantir que les auteurs sont rémunérés équitablement pour leur travail.
La WGA est engagée dans de telles négociations avec l’Alliance for Motion Pictures and Television Producers (AMPTP) depuis la fin du mois de mars. Ils essaient de s’entendre sur un nouveau contrat qui entrerait en vigueur le 1er mai.
Le 17 avril dernier, après deux semaines de négociations, la WGA a officiellement annoncé qu’une écrasante majorité de 97,85% de ses membres avait voté pour autoriser la grève.
"Après deux semaines à la table des négociations, [les studios] n'ont pas apporté de réponses significatives aux questions économiques fondamentales dans les principaux domaines de travail de la WGA – écran, télévision épisodique et comédie-variété", ont déclaré les négociateurs de la WGA dans un communiqué publié par Deadline.
"Ils ont écouté poliment nos présentations et n'ont fait que de petites avancées dans quelques domaines, presque entièrement couplées à des réductions conçues pour compenser tout gain. En bref, les studios n'ont montré aucun signe de leur intention de s'attaquer aux problèmes que nos membres sont déterminés à résoudre dans le cadre de cette négociation."
Quelles sont les demandes des scénaristes ?
Alors qu’il y a plus de contenu que jamais, dans un rapport publié en mars et intitulé "Les scénaristes ne suivent pas", la WGA affirme que si l'emploi est effectivement abondant, il n'est certainement pas rémunérateur. Et qu'il existe une relation inverse entre la quantité de contenu produit pendant les guerres entre les plateformes de streaming et la rémunération globale des scénaristes.
Le rapport indique une augmentation spectaculaire du nombre de scénaristes travaillant pour l’accord de base minimum à tous les niveaux dans des rôles allant de scénaristes juniors aux showrunners expérimentés.
Il constate également que dans l’ensemble, le pourcentage de scénaristes de télévision travaillant pour le salaire minimum est passé d’un tiers en 2013-2014 à près de la moitié des auteurs en 2021-2022 et que la rémunération a diminué de 14% au cours des cinq dernières années après un ajustement à cause de l’inflation.
La WGA a donc des griefs légitimes. Pour remédier à la situation, les demandes de la WGA sont simples : donnez-nous plus d'argent, ou nous fermons le robinet à histoires. Cette semaine, d'autres syndicats de l'industrie, comme la Fédération américaine des musiciens ou la SAG-AFTRA, ont exprimé leur soutien à la WGA.
Que se passera-t-il si la grève a lieu ?
Si les scénaristes décident d’aller jusqu’au bout et de faire grève, l’effet immédiat serait sur les productions dont le format nécessite un travail journalier. Cela concerne donc les talk-shows.
Viendrait ensuite le tour des séries de networks et les sitcoms, dont la plupart entrent en écriture durant l’été pour revenir à l’antenne à l’automne. Des séries comme Abbott Elementary ou encore NCIS seraient directement impactées.
Quant aux séries de streaming, c’est un peu plus compliqué. Bien qu’une grève de scénaristes ne soit pas souhaitable, l’ensemble du modèle des plateformes de streaming repose sur une réserve de contenu qui peut être publiée sur une longue période. Par exemple, Max (la plateforme de HBO) a révélé récemment une bande-annonce pour The Penguin mais la série ne sera disponible qu’en 2024.
Ainsi, les plateformes pourraient sortir leurs séries existantes de façon plus espacée. Comme le streaming est un format relativement nouveau, il n’y a pas de précédent clair quant à l’impact d’une grève sur ces acteurs qui sont en train de devenir l’épine dorsale de l’industrie.
Comment la grève peut nous affecter
L’industrie hollywoodienne ne s’arrêtera pas totalement de tourner si la WGA vote la grève. Il y a trop d’argent sur la table pour que les studios et les networks ne trouvent pas de nouvelles façons de créer et monétiser du contenu sans auteurs. Ce qui en sortira sera très probablement préjudiciable pour le monde de la culture. Des contenus sortis tout droit d’une intelligence artificielle ne présagent rien de bon.
En 2007, lors de la précédente grève des scénaristes, c’est la télé-réalité qui était sortie gagnante de cette affaire, venant remplir l’espace laissé vacant pour quelques mois. Il en résulte, 15 ans plus tard, la mainmise du monde de l’influence sur les médias et un président américain élu après avoir été un animateur d’une série de télé-réalité.
Ce n’est pas encore l’heure de sonner l’hallali. La WGA a, pour le moment, simplement donné son accord pour une grève. Elle n’a pas signé LA grève. Elle a jusqu’au 1er mai pour conclure un accord avec l’AMPTP, donc tout cela peut encore être évité. Mais les deux côtés semblent être retranchés et une grève semble inévitable…
