Sorti en novembre 2019, Star Wars : Jedi Fallen Order, développé par le studio Respawn Entertainment, a été un gros succès, au point d'ailleurs qu'en mai 2020, l'éditeur Electronic Arts annonçait que le jeu serait le premier volet d'une franchise en devenir.
Si EA a fait confiance aux talentueuses équipes du studio Respawn emmené par Vince Zampella, son PDG, et son Game Director Stieg Asmussen, à qui l'on doit pour mémoire l'extraordinaire God of War III, son succès était d'autant plus mérité qu'il s'inscrivait à rebours de la logique adoptée par EA ces dernières années, le Game as a Service. Ici, pas de volets multijoueurs, pas de loot box, un jeu exclusivement solo.
Développé dans la douleur en moins de trois ans pour cause de pandémie Covid -19 avec report de sortie à la clé, la suite de Jedi Fallen Order, baptisée Jedi Survivor, a fini par atterrir dans les linéaires le 28 avril dernier.
Et disons-le sans détour : si le titre n'est pas exempt de tout reproche, il relève d'un net cran la barre placée par son aîné, que ce soit dans ses ambitions narratives et artistiques mises au service d'un gameplay certes perfectible, parfois exigeant, un poil plus technique aussi que l'opus précédent, mais aussi gratifiant et généreux.
Si vous avez manqué le début...
Un petit rappel n'est pas inutile pour les retardataires. Jedi Fallen Order déroulait son intrigue entre les épisodes III et IV de la saga cinématographique, peu après la purge initiée par le fameux ordre 66 donné par l'empereur Palpatine, destiné à eradiquer toute trace des Jedi.
On y prenait le contrôle de Cal Kestis, incarné par l'acteur Cameron Monaghan. Un padawan ayant survécu à l'ordre 66, qui tentait de rassembler les pièces de son passé brisé pour terminer son entraînement et apprendre à maîtriser le sabre laser et la Force. Se cachant sous le nez de l'Empire, il était traqué sans relâche par ses impitoyables inquisiteurs placés sous le commandement direct de Dark Vador.
Le récit de Jedi Survivor débute cinq ans après les événements du précédent jeu. Dans tous les cas, si vous débutez l'aventure avec ce jeu (c'est mal !), vous ne serez pas complètement perdu : un récapitulatif de l'intrigue précédente, sous forme de cinématique, est disponible dès le menu d'accueil.
Cal Kestis, devenu chevalier Jedi, tente toujours d'échapper à l'emprise de l'Empire et d'améliorer son quotidien, en travaillant notamment pour Saw Guerrera. Toujours accompagné de son fidèle et adorable compagnon droïde BD-1, il fait équipe avec de nouveaux et anciens alliés pour l'aider dans sa nouvelle quête, parmi lesquels le mercenaire Bode Akuna (Noshir Dalal), l'ancienne membre d'équipage Cere Junda (Debra Wilson). Ou encore Greez Dritus, ancien capitaine du vaisseau Stinger Mantis dans le premier jeu, et désormais propriétaire du Pyloon Saloon, une cantina située sur la planète de Koboh qui attire toutes les convoitises, et sera le centre névralgique des (més)aventures du héros.
Une direction artistique inspirée
La surpuissance d'une licence telle que Star Wars tient notamment à deux aspects. D'abord cette capacité tentaculaire et fascinante, presque sans fin, à créer et remodeler un univers étendu, en déployant un Lore dont la profondeur peut être vertigineuse.
Un Lore, ou Background, sur lequel veille d'ailleurs religieusement Doug Chiang, qui ne laisse absolument rien au hasard, de l'apparence d'un droïde en passant par les costumes, les vaisseaux, la surface d'une planète ou autre, comme nous l'avait expliqué le PDG de Lucasfilm Games, Douglas Reilly, que nous avions rencontré en 2019.
Sur ce point, Jedi Survivor est puissamment servi par une direction artistique inspirée, nous gratifiant même régulièrement d'impressionnants panoramas à la profondeur de champ stupéfiante. Des zones marécageuses et luxuriantes de la planète de Koboh, aux immenses plaines de Jedah la désertique et ses ruines antiques éparses, en passant par l'oecuménopole Coruscant, c'est un grand plaisir de sillonner la galaxie dans ce jeu à la sauce Metroidvania qui court facilement sur une trentaine d'heures.
On a d'ailleurs, au passage, un petit pincement au coeur concernant Coruscant justement, dont une partie de l'intrigue se déploie dans les bas-fonds, en repensant au fait que ce devait être le lieu de l'intrigue du jeu Star Wars 1313, sabré par Disney en 2013 dans la foulée de la fermeture du mythique studio de développement LucasArts...
L'autre pilier de la licence, c'est cette capacité (ou parfois malheureusement son contraire) à créer des histoires immersives peuplées d'une galerie de personnages qui vivent par et pour eux-mêmes, capables d'harponner le joueur (ou le spectateur) pour ne plus jamais le lâcher. Un exercice d'équilibriste difficile, plutôt réussi dans le cas de Jedi Survivor, qui n'usurpe ni ne ment pas sur son titre -cette idée de survie- avec un récit assurément plus sombre que le premier jeu.
Crépusculaire même par certains aspects, tant certains de ses personnages, usés par des années de lutte aussi vaine qu'inégale contre les forces de l'Empire, semblent vouloir prendre congé d'un monde qui n'est plus le leur, quand il n'est pas purement et simplement détruit.
Un gameplay exigeant, mais pas trop
L'emballage, c'est bien. Mais quid du gameplay à proprement parler ? Car un Jedi n'est pas là pour faire du jardinage (si vous vous demandez ce que vient faire ici cette référence saugrenue, attendez de jouer au jeu pour comprendre...).
Toujours irrigué par les influences d'un God of War (pour la violence, bien qu'évidemment mesurée ici), d'Uncharted ou même des productions du studio From Software pour la difficulté, Jedi Survivor complexifie sensiblement son gameplay par rapport à l'opus précédent.
On a désormais 5 postures de combat possibles; sachant que deux seulement sont équipables, et qu'il faudra trouver un point de méditation pour pouvoir changer. Ajoutez à cela des avantages eux aussi équipables sous forme de modules, comme "résilience" qui augmente la jauge de la fenêtre de blocage des coups, ou "polyvalence" qui octroie un bonus de dégâts temporaire après avoir changé de posture de sabre laser, et vous obtenez un personnage assez polyvalent justement pour tenir tête aux ennemis.
On regrette toujours, encore que cela soit une déception relative, que la fabrication de son / ses sabres laser relève du pur cosmétique et n'ai aucune incidence sur le gameplay. On n'est certes pas dans un jeu de rôle non plus, mais quand même.
Jedi Survivor a beau être nettement moins exigeant que les titres cités plus haut, il demandera tout de même au joueur moyen de maitriser son gameplay pour s’en sortir. D'autant que, parfois, la caméra semble s'affoler face aux grappes d'ennemis qui fondent sur Cal Kestis, et qu'il n'est pas toujours facile d'appréhender correctement l'environnement immédiat dans la mêlée. Cela peut se révèler parfois crispant, surtout dans un niveau de difficulté élevé où certains affrontements peuvent être sacrément punitifs.
Pas question de foncer dans le tas donc. Et pour ceux que la difficulté rebutent et qui préfèrent privilégier le récit, un mode facile, baptisé "histoire" justement, est disponible à tout moment. Mais ca serait, à notre sens, un peut tuer ce qui fait aussi le sel du jeu. A vous de voir. Le niveau "chevalier Jedi", qui correspond à un mode de jeu "normal", constitue une porte d'entrée déjà tout à fait honorable.
Si Electronic Arts a perdu l'exclusivité de la licence vidéoludique Star Wars, il reste pour l'heure le seul éditeur capable d'occuper le terrain. L'Open World annoncé par Ubisoft en 2021 n'est pas prêt de sortir, ni même le Star Wars Eclipse que prépare le studio français Quantic Dream dont il va falloir s'armer de patience pour en voir les vraies premières images et pas une cinématique, aussi somptueuse soit-elle. Quant au remake de l'extraordinaire Star Wars : Knights of The Old Republic, qui est, rappelons-le, un des meilleurs jeux Star Wars jamais créés, son sort est suspendu au-dessus du vide depuis l'an dernier...
Dans cet ordre d'idées, aucune raison de passer à côté de ce Jedi Survivor très réussi, sensiblement débarrassé des scories du premier volet; alors même qu'un très bon jeu Star Wars exclusivement taillé pour le solo a cruellement manqué ces dernières années.