La bataille de Guadalcanal fut une étape clé de la guerre du Pacifique. Marquée par des affrontements d'une violence sans précédent, elle opposa durant de longs mois Japonais et Américains au coeur d'un site paradisiaque, habité par de paisibles tribus mélanésiennes. Des voix s'entrecoisent pour tenter de dire l'horreur de la guerre, les confidences, les plaintes et les prières se mêlent...
En 1999, Il faut sauver le soldat Ryan fait une razzia aux Oscars en remportant 5 statuettes. La Ligne rouge, qui marque le grand retour de Terrence Malick au cinéma après 20 ans d'absence, reste condamnée à l'obscurité, avec 7 nominations aux Oscars, et pas une seule récompense ce soir là. Pas même celle de la meilleure photographie, pour souligner l'exceptionnel travail du chef opérateur John Toll, qui passait parfois des heures entières à attendre la bonne luminosité.
Une absence de récompense ce soir là d'autant plus dommageable que La Ligne rouge est pour ainsi dire un exemple assez rare de film de guerre à la profondeur philosophique certaine, produit en grande partie par une Major. Un vrai risque, qui n'a malheureusement pas payé puisque le film n'a même pas rapporté 100 millions de $ au BO mondial, là où le film de Spielberg en rapporta plus de 480 millions.
Dans ce sublime poème et réflexion sur la culture et la nature qui donne et qui reprend, sur la (sur)vie et la mort au milieu d'une nature hostile, sur la pensée et le langage, sur l'humanité et l'inhumanité, Malick le panthéiste plante une fabuleuse galerie de personnages, qui finissent tous, in fine, par être engloutis par les forces vengeresses de mère Nature.
"Le Monde et la vie ne font qu'un" disait le grand philosophe du langage Ludwig Wittgenstein. Un auteur dont Malick est un profond admirateur, et une pensée que le cinéaste fait merveilleusement sienne avec ce film, sublimé par l'hypnotique musique de Hans Zimmer qui signe peut-être ici sa plus belle BO.
Morts aux champs d'honneur
C'est d'ailleurs avec cet extraordinaire film que la légende de "Malick le découpeur" s'est construite. Auréolé d'une aura quasi mystique, l'annonce de son retour derrière la caméra après une si longue absence a affolé les coulisses d'Hollywood. De nombreuses stars étaient prêtes à accepter n'importe quel rôle dans son film, même un rôle muet, pourvu qu'il ou elle figure au générique.
On sait ainsi que des talents comme Leonardo DiCaprio, Nicolas Cage ou Josh Hartnett voulaient tourner dans La Ligne rouge. Il n'en sera évidemment rien. Mais il reste une fabuleuse brochette de comédiens à l'affiche. Même si, pour certains, la présence à l'écran de leur personnage a été considérablement réduite, comme celle de George Clooney, John Travolta. Ou Adrian Brody, qui pensait même avoir un des rôles principaux dedans avant de découvrir qu'il n'avait plus dans la version finale que quelques lignes de dialogues.
Et puis il y a ceux qui ont tourné leurs scènes, mais n'ont jamais intégré le montage final de l'oeuvre. Citons Bill Pullman, Gary Oldman, Martin Sheen, Jason Patric, Viggo Mortensen. Et Mickey Rourke.
On imagine aisément son amertume lorsqu'il a découvert le film, sans voir une seule image de sa présence dedans. Il incarnait un sniper rebelle abandonné à son sort, sortant de la jungle uniquement parce qu'il n'a plus de munitions. Un personnage terrifié et rendu fou par les horreurs dont il a été témoin.
Il ne reste malheureusement qu'un petit extrait de cette scène coupée au montage; une version plus longue se trouve sur la somptueuse édition DVD / Blu-ray du film éditée aux Etats-Unis par Criterion.
En 2005, Rourke confiait dans une interview son amertume : "C'était l'un des meilleurs rôles que j'ai jamais fait. Je venais de traverser une période très difficile et Terry [Malick] le savait, et il a intégré ça dans mon personnage. Ca fonctionnait vraiment".
Si son personnage a été coupé, c'est "pour une raison politique" ajoutait Rourke. "Ca m'a vraiment obsédé. A cause de mon tempérament vis-à-vis de l'industrie, mes scènes ont été coupées" lâchait le comédien, qui s'est senti trahi par le cinéaste en découvrant son absence totale dans le film.
S'il est exact que Rourke a eut la réputation d'être ingérable sur les plateaux de tournage, en dépit de son immense talent, comme si son pire ennemi était lui-même, on n'est pas obligé de souscrire totalement à cette vision des choses.
En réalité, et plus simplement, la Fox avait imposé à Malick de contractuellement lui livrer un montage de moins de 3h, ce qui reste déjà généreux. Avec comme condition aussi d'y mettre, film de guerre oblige, de larges rasades de scènes de bataille. Dans les inévitables et cruels arbitrages qui ont été fait, le rôle de Rourke, qu'on aurait adoré voir totalement, est resté entièrement sur la table de montage.