Sorti en janvier 2020, réalisé par Sam Mendes qui s'est librement inspiré des souvenirs de son grand-père, minutieusement échafaudé pour donner l'impression au public qu'il s'agit d'un très long plan-séquence, 1917 est un film qui a fait date dans l'histoire du cinéma.
On y suit - quasiment sans interruption - la mission désespérée de deux soldats anglais durant la Première Guerre Mondiale, envoyés à travers tranchées et lignes ennemies afin de délivrer un message de la plus haute importance, susceptible d'épargner des centaines de vies humaines.
Alors qu'il est diffusé ce soir sur France 2, retour sur le tournage de ce long métrage pas comme les autres, et sur le tour de force réalisé par Sam Mendes et son directeur de la photo, l'excellent Roger Deakins (lauréat de l'Oscar pour ce film).
Ainsi que l'ont expliqué en interview les deux cinéastes, 1917 n'est donc pas un véritable plan-séquence, mais une succession de longs plans continus, soigneusement assemblés les uns aux autres pour offrir l'illusion au public que la caméra ne coupe pratiquement jamais.
Même si, bien évidemment, le film n'a donc pas été tourné d'une traite, les équipes ont dû filmer de très longues prises sans interruption (la plus importante étant de 8 minutes 30) et parfois enchaîner plusieurs mouvements complexes de caméra sans jamais appuyer sur le bouton rouge.
"Parfois, la caméra est transportée par un cadreur, puis accrochée à un câble," raconte ainsi Sam Mendes dans un reportage sur la chaîne d'IMDB.
"Et ce câble la transporte sur davantage de terrain, et puis elle est à nouveau décrochée. Le cadreur court en la portant, monte dans une petite Jeep qui la transporte encore sur 350 mètres, puis il descend et tourne au coin de la rue."
Chaque plan du film a ainsi représenté un véritable parcours du combattant, autant pour les acteurs que pour les techniciens.
"La préparation était la clé absolue", résume le producteur Callum McDougall. Avant de tourner, les équipes de Sam Mendes ont donc attentivement étudié le terrain, confectionné des illustrations, construit des maquettes, allant même jusqu'à creuser une véritable tranchée de près de deux kilomètres de long.
"Les défis de préparation pour ce film correspondaient à ceux d'un film normal, multipliés par cinq", raconte Sam Mendes, toujours au micro d'IMDB.
"Il nous fallait mesurer chaque étape du voyage. (...) Le terrain ne pouvait pas être plus long que la scène, et la scène ne pouvait pas être plus longue que le terrain. Il nous fallait donc répéter chaque ligne de dialogue sur place. C'est là que ça commençait à ressembler à du théâtre. Parce que l'environnement devait être façonné autour du rythme du script."
Une véritable représentation théâtrale en conditions réelles pour les deux comédiens principaux, donc. Et une chorégraphie réglée comme une horloge pour tout le reste de l'équipe. Au micro d'Entertainment Weekly, en octobre 2019, le directeur de la photographie Roger Deakins comparait ce périlleux exercice à un spectacle de danse :
"Vous faites des mouvements de caméras délicats, les acteurs jouent et tout doit être synchronisé car c'est semblable à un ballet. Vous franchissez un obstacle, puis un autre, puis un autre, vous approchez de la fin de la séquence et vous vous dites "mince, j'espère que je ne vais pas tout foirer maintenant !" car cela voudrait dire qu'il faut tout recommencer depuis le début. C'était un sacré voyage."
Ajoutez à cela les éventuels problèmes de météo inhérents à tous les tournages en plein air et le mouvement des nuages, qui pouvait parfois créer des soucis de raccords entre les plans, et vous aurez une idée assez précise des difficultés qu'a pu rencontrer Sam Mendes sur le tournage de 1917.
Le résultat : une oeuvre unique, empreinte d'une émotion viscérale et d'une puissance qui lui sont directement conférées par cette forme exceptionnelle. Un véritable sommet du film de guerre, à voir et à revoir.
(Re)découvrez le making of de "1917"...