L’association entre le cinéma et l’opéra n’a jamais été une simple affaire. Puristes et détracteurs ont toujours revendiqué leur scepticisme face à l’arrivée de l’opéra sur grand écran. Pourtant, l’opéra s’est peu à peu imposé dans les salles obscures. Etat des lieux des liens entre art lyrique et Septième art.Dossier réalisé par Edouard Brane
Avant tout comédien puis metteur en scène de théâtre et créateur des Deschiens (et récemment co-réalisateur pour le cinéma de La Véritable histoire du Chat botté), Jérôme Deschamps s’est lancé avec sa compagne Macha Makeieff dans la mise en scène d’opéra dès 1993 en montant une production des Brigands de Jacques Offenbach. Qu’il choisisse de mettre en scène un opéra français ou L’enlèvement au Sérail de Mozart, sa première volonté est d’ouvrir les portes de l’opéra au plus grand nombre. Même s’il ne pense pas directement au cinéma, on ne peut s’empêcher de songer à Jacques Tati à travers le goût de Jérôme Deschamps pour la simplicité des choses, leur côté absurde et minimal.
Directeur de l’Opéra-comique depuis 2007, Jérôme Deschamps a repris en main cette institution trop longuement délaissée par l’état. Soucieux d'innover, il a demandé à l’acteur Denis Podalydès pour ouvrir sa saison 2009 de devenir pour la première fois metteur en scène d’opéra avec Fortunio d’André Messager.
Pari gagné : la réussite de la première mise en scène de Podalydès et le succès de l’Opéra-comique prouvent que l’opéra peut, comme le cinéma, toucher le plus grand nombre. AlloCiné est donc allé à la rencontre Jérôme Deschamps :
Pour quelles raisons avez-vous choisi Denis Podalydes pour mettre en scène l’opéra "Fortunio" d’André Messager ?
Jérôme Deschamps: Ma fonction en tant que directeur de l’Opéra-comique n’est pas de m’approprier à titre personnel cette institution mais de réunir des équipes complices. J’avais monté mon premier opéra avec le chef d’orchestre Louis Langrée et c’est lui qui m’a soumis l’idée de Fortunio, opéra tiré de Fantasio d’Alfred de Musset. Je savais que Denis Podalydès montait cette pièce à la Comédie-française et qu’il n’avait jamais fait de mise en scène lyrique. J’ai donc souhaité lui donner cette chance. J’avais avant tout une sorte d’intuition entre la rencontre de ces deux artistes. Et la complicité s’est établie tout de suite. La réunion du théâtre et de l’art lyrique est un pari considérable. Mélanger le parler et le lyrique est l’objectif premier de l’Opéra-comique.
Avez-vous prodigué certains conseils à Denis Podalydès ?
Quelques-uns, mais surtout en terme de méthode. Je l'ai d’abord mis en confiance en lui disant qu'en cas de problème, je serais là pour le soutenir. La méthode, c'est très important à l’opéra, pour des raisons avant tout économiques. Un conseil que je donne souvent est d’anticiper longtemps à l’avance. On a beaucoup plus de temps au théâtre qu’à l’opéra pour des œuvres qui sont parfois deux fois plus longues. Une production d’opéra coûte extrêmement cher et l’amortissement ne s’effectue pas comme au théâtre, dès la première représentation. A l’opéra, même si les salles sont pleines avec un tarif plus élevé, on s’enfonce dans le déficit à chaque représentation au point que finalement, l’idéal économique serait de jouer une seule fois l’opéra et de s’arrêter !
Choisir Denis Podalydès relève-il aussi d’un désir d’ouvrir l’opéra au plus grand nombre ?
Naturellement ! C’est la mission première de cette maison. C’est même la tradition depuis toujours. Nous souhaitons que l’opéra devienne plus accessible au public en devenant davantage populaire sans qu’il n’y ait une connotation péjorative puisque nous privilégions la qualité. Nous devons supprimer cette intimidation que ressent le public quand il passe devant l’établissement ou quand il entend parler d’opéra.
Cela passe-t-il aussi par la captation des opéras?
Par la captation, la diffusion dans les cinémas, la presse, la notoriété des metteurs en scène et des chefs d’orchestre...
Que pensez-vous des cinéastes qui deviennent metteurs en scène d’opéra à l’image récemment de Benoît Jacquot ?
C'est tout à fait normal de les faire venir à l’opéra, et c'est même très important. Il ne faut surtout pas commencer à se cloisonner. Ca donne un nouvel élan à la création.
Que pensez-vous des films-opéras tels que le "Don Giovanni" de Joseph Losey ?
Il y a eu des films sublimes. Ca ne sera jamais la même chose qu’être dans une salle opéra et je pense que l’on ne rencontrera jamais d’émotion aussi forte. Tous ces moyens évoluent énormément et je ne vois pas comment on pourrait dire du mal de ces initiatives. C’est toujours un grand plus pour l’opéra. On a souvent annoncé la mort du théâtre par le cinéma, la mort du cinéma par la télévision mais c’est toujours faux. C’est plus de partage. On a été parmi les premiers à diffuser Carmen en direct dans une salle de cinéma comme le fait l’opéra de New York. On a gagné des spectateurs grâce à cela, on les a rapprochés de l’art lyrique. Il faut aussi se rappeler que l’opéra fut un art populaire. Les gens se baladaient sur les grands boulevards en chantant du Rossini par exemple !
Quelle a été votre première rencontre avec l’Opéra ?
La vraie première émotion, c'est quand j'ai rencontré de près les chanteurs d’opéra, ces vrais artistes. On sent chez eux une peur et un danger fascinants, dûs à la pression qu'ils s'infligent, et dont les spectateurs sont généralement complices. Ce n’est pas la même pression qu’au théâtre : si un comédien a un trou de mémoire, on l’applaudira tout de même à la fin. En revanche, si un chanteur fait une simple faute, il peut être hué et chassé de la scène. Et le spectateur est plus exigeant sur la mise en scène car il connaît déjà les œuvres. Au théâtre, on fait plus facilement le pari d’être transporté ailleurs.
Vous aimez semble-t-il redonner goût aux choses anciennes
C’est ce qu’on essaie de faire à l’Opéra-comique. Son identité est enfin en train de se réinstaller dans le paysage musical. Nous souhaitons mettre en avant des œuvres méconnues mais qui méritent toute leur place, essentiellement l’opéra français qui est en ce moment très à la mode. Renouer avec le passé n’est pas une attitude réactionnaire mais provient d’une envie de donner une nouvelle vie à ces œuvres en y portant un regard contemporain. Cette salle est magnifique et permet au public d’être au plus près des artistes, par sa taille et son extraordinaire acoustique.
Pensez-vous au cinéma lorsque vous mettez en scène un opéra ?
Pas vraiment. Certains s’en inspirent énormément mais ce n’est pas mon cas. Je pense avant tout au théâtre.
Travaillez-vous de la même façon avec un chanteur et avec un acteur ?
Le problème des chanteurs est qu’ils se préoccupent avant tout de leur voix au détriment du métier d’acteur -ce qui est légitime. Mais on voit de plus en plus de chanteurs s’intéresser au métier d’acteur et suivre des cours de théâtre. Jouer rend les chanteurs encore plus joyeux.
Comment travaillez-vous avec un chef d’orchestre ?
Ca dépend. Trop souvent, des divisions apparaissent à cause de l’organisation des calendriers des répétitions. Certains chefs d’orchestre sont même déprimés quand ils voient de mauvaises mises en scène. Dans ces situations, il faut faire le pari de la complicité entre le metteur en scène et le chef d’orchestre. Il est très important pour cela d’être un homme de scène.
Comment voyez-vous l’avenir de l’Opéra ?
L’opéra a un très très bel avenir devant lui car il s’agit d’un art extrême, archaïque, absurde mais en même temps si beau et où réside quelque chose de rare. On trouvera toujours des purs sangs pour se jeter dans l’aventure et suivre ces histoires folles.
Propos recueillis le 1er février 2010 à l'Opéra-comique
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Anya-Christina-Emanuella
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Tom-A
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donnie darko
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Tom-A
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Godfazer
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twingolot
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marcgir
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Mouchette59
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quezako
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JaguiK
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Dvorak1
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A.R.
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JaguiK
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Plume231
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Aur?lien P.
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operaaucinema
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Marine-C
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AmelieOakenshield
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Orangesanguine
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- Terrifier 3 J-25
- Gladiator 2 J-4
- Sur un fil J-18
- Louise Violet J-18
- Vaiana 2 J-3
- Jamais sans mon psy J-24
- Wicked Part 1 J-3
- Mufasa: le roi lion J-24
- The Lord Of The Rings: The War Of Rohirrim J-17