Une série qui prend le risque de nous conter les prémices du chaos apocalyptique de The Walking Dead, et de s’attaquer à un problème déjà éludé par Romero dans ses films de Zombie : comment des morts-vivants se déplaçant à 2 à l’heure peuvent-ils avoir submergé l’armée, les forces de l’ordre et une nation toute entière de sorte que tout s’effondre jusqu’au point de non-retour. Traditionnellement les films de Zombie démarraient sur un postulat : l’épidémie s’était déjà largement diffusée et elle était déjà hors de contrôle, et c’était parfait : nous n’en demandions pas plus. Les seuls réalisateurs qui ont montré le début d’une telle pandémie, comme Zack Snyder dans son remake de Dawn Of The Dead de Romero, ont choisi de faire courir les zombies, ce qui crédibilisait une progression exponentielle du chaos.
Fear The Walking Dead ne peut s’affranchir des règles de la série mère : les zombies ne courent pas, ils marchent. Dans The Walking Dead, c’est le nombre de contaminés qui rend la situation ingérable, et c’est ainsi dès le premier épisode. S’il était déjà problématique dans les années 70 de montrer le tout début de l’épidémie, la tâche est encore plus compliquée de nos jours, étant données les nouvelles technologies aussi bien en terme de communication que d’armement, et à fortiori aux USA, pays où la majeure partie de la population est armée, voire surarmée. Les scénaristes échouent inévitablement à convaincre de la diffusion exponentielle du virus et de l’incapacité de l’état et des citoyens à s’organiser pour endiguer le chaos. Se heurtant à un problème insoluble, ils usent et abusent de l’ellipse, passant d’un stade du chaos au stade supérieur sans qu’on comprenne le pourquoi du comment on en est là, mettant à rude épreuve la suspension d’incrédulité du spectateur.
Ici on ne montre jamais la réaction des politiques, les réseaux sociaux ne servent à rien même quand les communications fonctionnent encore, on évite de montrer ce qui se passe sur les stations de radio et les chaines TV, habituellement investies par les spécialistes dès le moindre évènement.
On gomme donc tout ce qui pourrait invalider l’inéluctabilité de l’apocalypse.
Et quand on tente de nous montrer l’inévitable effondrement de la société en insistant sur le chaos dans des rues de Los Angeles, c’est un fiasco : les scènes d’émeutes ne sont pas crédibles mais risibles : les figurants font n’importe quoi et le résultat est digne d’un cheap nanar de SyFy. Les effectifs de police sont anormalement bas, alors que le calme semble régner dans d’autres quartiers : bref ce n’est apparemment pas le chaos partout, il n’y a donc à priori aucune raison que les services de l’ordre soient si rapidement débordés et surtout qu’ils n’obtiennent pas de renforts. La scène de l’hôpital en proie au chaos n’est, de même, pas du tout convaincante.
La série souffre globalement d’une écriture bâclée et ça se ressent à plusieurs niveaux : les situations sont souvent invraisemblables et le comportement des personnages n’est pas rationnel et manque de logique, aussi bien individuellement que collectivement. A titre d’exemple,
la famille que nous suivons prend rapidement conscience que quelque chose de grave est en train de se produire et décide de quitter Los Angeles et d’abandonner sa belle maison pour se réfugier dans le désert. Le père se rend dans le centre où se déroulent les émeutes pour récupérer le fiston pendant que le reste de la famille attend dans son quartier en jouant au Monopoly, au lieu de s’affairer à préparer le départ et se protéger en attendant le retour de Travis. Alors même qu’ils se sentent menacés après avoir été témoins d’une agression des voisins d’en face ils ne se donnent pas la peine de fermer les stores vénitiens et braquent leurs lampes torches vers les vitres, signalant ainsi leur présence aux potentiels agresseurs. Dans une telle situation n'importe qui aurait le réflexe de fermer tous les volets de la maison.
Les personnages ne sont pas fouillés, manquent de développement et, sans doute à cause d’une mauvaise direction d’acteurs, les rôles sont mal interprétés. Le père de famille a toujours la même expression sur le visage et semble constamment dépassé par les évènements, la mère est glaciale et semble parfois insensible, ce qui n’inspire guère de sympathie
(la scène où elle est face à sa voisine zombifiée n’a aucune intensité émotionnelle)
. Quant aux enfants, ils sont tous plus ou moins insupportables.
Dans le dernier épisode nos protagonistes qui jusqu’alors ne suscitaient pas vraiment l’empathie deviennent carrément détestables. Alors qu’ils savent que l’armée a déserté le quartier ils quittent le lotissement sans prévenir les voisins, au seul prétexte que certains ne sont pas intervenus pour les défendre quand ils ont eu des déboires avec l’armée. Du coup ils s’en vont en douce, la nuit, en laissant derrière eux la barrière de sécurité ouverte, condamnant ainsi leurs anciens voisins à un sort peu enviable. Mais ce n’est rien à côté de ce qu’un d’entre eux s’apprête à faire pour détourner l’attention de l’armée le temps d’aller récupérer 3 des leurs, quitte à sacrifier tous les malades du centre de secours. Ainsi l’ancien tortionnaire du Salvador décide de libérer les 2000 zombies du stade et de les attirer vers le camp militaire où des innocents vont évidemment perdre la vie.
De son coté l’armée est très caricaturale et a ses comportements invraisemblables et illogiques. L’exemple le plus frappant :
les 2000 zombies enfermés dans le stade à proximité du camp de sauvetage que personne ne songe à exterminer.
Sinon on s’ennuie souvent durant ces 6 épisodes. Les scénaristes auraient pu compenser la lenteur de la progression des évènements en multipliant les points de vue, au lieu de se borner à un seul groupe et un seul lieu. C’est dommage, car il y aurait eu des choses à raconter du point de vue d’un flic, d’un médecin, ou d’autres personnages à d’autres endroits du pays ou de la ville.
Enfin, la série se conclue sur une scène des plus maladroites à cause d'une situation mal amenée :
Travis, après quelques phrases d’échange avec son ex-femme, se résigne bien rapidement à l’abattre. On ne sent presque aucune résistance, aucun doute malgré son peu d’expérience de l’épidémie : il se contente de quelques explications courtes alors que son ex-femme n’a pas de symptômes, pas de fièvre et se résout à la tuer.
La situation est humainement invraisemblable, et en plus la scène est très mal interprétée.
Situations peu crédibles, ellipses scénaristiques, personnages détestables et caricaturaux, manque de suspense, manque de moyens, écriture bâclée : voilà les ingrédients de ce spin-off qui ne tient pas ses promesses. En même temps, comme je le disais plus haut, les scénaristes se sont attaqués à un casse-tête : raconter et rendre crédible les prémices d’un chaos qui peut difficilement être justifié à notre époque.