En toute logique, suite au succès critique d’une première saison saisissante sur le plan psychologique, il était donc tout à fait normal que nous retrouvions Daniel Holden, sa famille et la communauté de Paulie, Géorgie, pour une seconde saison de Rectify. Comme escompté, Sundance TV et Ray McKinnon mettent les petits plats dans les grands, nous concoctant une suite directe aux évènements des six premiers épisodes, une volée de dix épisodes qui réserveront, cela va de soi, chacun leur lot de surprises. Parfois poétique, cynique, souvent dramatique et touchante, la série suit son bout de chemin, d’épreuves en réjouissances, d’espoirs en drames. Faire sortir un condamné à mort de son couloir, le résultat d’une analyse ADN sur le tard, après 20 ans d’incarcération. Réinsérer ce dernier au sein de sa famille, au sein d’une communauté qu’il fascine, qu’il enrage ou tout du moins qu’il divise. Voilà le noble pari de Ray McKinnon, un créateur semble-t-il culotté qui remplit aussi bien ici son contrat qu’il le fît lors de la première saison.
Aden Young est formidable, torturé, réjoui mais apeuré, Abigail Spencer est remarquablement touchante et tous les autres sont stupéfiants de naturel. Oui, le casting se veut, outre le contexte moral, la première force de cette série sortie de nulle part l’année précédente. Point de baisse de régime, point de de baisse de qualité, cette seconde saison reprend le cours des choses, poursuit la narration de la destinée d’un curieux individu rendu au monde alors qu’il fût deux décennies durant enfermé dans un espace clos et destiné à une mort programmée. Le choc se veut insurmontable, pour Daniel comme pour ceux qui doivent vivre à nouveau avec lui. L’impact de ce retour à la vie hors les murs est d’autant plus marquant sur le personnage de Teddy, beau-frère que l’on adore détester mais qui subit plus qu’autrui son lot de misères. L’exemple même du paradoxe moral qu’affiche Ray McKinnon, entre réjouissances, résurrection sociale, et profonde déchirures.
Pour autant, quand bien même la série soit foncièrement touchante, remarquable, une lacune apparaît bel et bien au terme de cette deuxième saison. Oui, qu’importe la portée morale de cette histoire, qu’importe les qualités d’interprétation, la finesse de la mise en scène, la très bonne écriture des dialogues, l’ensemble ne tient finalement qu’à ce qui se passa le jour ou une adolescente mourût et que Daniel fût condamné à mort pour son viol et son meurtre. Sur ce point, on sent que Ray McKinnon fait durer le suspense, entretenant une flamme modeste qui pourrait tout aussi bien tout consumer rapidement sur son passage. Entre les amnésies de Daniel, les échanges sous acides entre protagonistes, l’obstination d’une justice à œillères, n’empêche, nous ne savons toujours pas qui a fait quoi, et pourquoi. Cela, après seize épisodes, pourrait passer pour de la maladresse. Espérons qu’Arte distribuera rapidement la troisième, même la quatrième saison du show, et que nous saurons enfin assez vite cette vérité afin que nous puissions enfin nous concentrer sur les conséquences. Cela, bien sûr, n’enlève rien aux mérites, nombreux, de cette remarquable série pas comme les autres. 15/20