Issue de la classe moyenne épiscopale américaine, Elizabeth « Betsy » Winifred Boger se sent très vite attirée par le monde du spectacle et commence la danse dès l’âge de huit ans. Elève surdouée, elle n’a que quinze ans lorsqu’elle termine son cursus secondaire et ne peut donc rentrer à l’Université. A l’époque déjà, elle se fait appeler Blair, du nom de l’internat fréquenté par son premier amour de jeunesse. Outre son travail occasionnel de mannequinat, elle auditionne et obtient une place de chorus girl dans une boîte de nuit. C’est là qu’elle rencontre Gene Kelly, qui deviendra son mari deux ans plus tard, en 1940. Cette même année, elle fait ses premiers pas sur scène à Broadway dans Panama Hattie et devient, l’année suivante, la tête d’affiche féminine de la pièce The Beautiful People de William Saroyan, un rôle qui lui attire les faveurs des critiques.
Elle fait ses débuts sur grand écran en 1947 à l’âge de 24 ans, aux côtés de Rosalind Russell et Melvyn Douglas, dans Coupable ou non coupable de Henry Levin. Privilégiant les films dramatiques, elle enchaîne ensuite bon nombre de rôles secondaires, lui permettant de se faire connaître du grand public : Othello (de George Cukor, 1947), La Fosse aux serpents (d’Anatole Litvak, 1948) ou encore Another Part of the Forest (de Michael Gordon, 1948). Dans le même temps, elle s’engage au sein de la Screen Actors Guild et propose la création d’un comité contre les discriminations à l’écran, ce qui lui vaut d’être "blacklistée" par la Commission sur les actions anti-américaines, qui voit en elle une militante d’extrême gauche proche des communistes. Cette étiquette dérange les studios qui rechignent dès lors à lui proposer des rôles, et mettent un point final à sa carrière hollywoodienne.
Il faudra attendre 1955 et les menaces répétées de Gene Kelly auprès des studios pour retrouver Betsy Blair sur le devant de la scène, dans Marty (de Delbert Mann), film dont elle partage l’affiche avec Ernest Borgnine et qui reçoit la Palme d’Or et l’Oscar du meilleur film. Blair y incarne ce que beaucoup considèrent comme le rôle de sa carrière : une femme disgracieuse, désespérée et délaissée par les hommes. Ce personnage deviendra en effet sa marque de fabrique et sera décliné dans bons nombres de longs-métrages postérieurs, et tout particulièrement dans Grand-rue (Calle Mayor) (1956) de l’espagnol Juan Antonio Bardem.
La fin des années 50 marque la fin de son mariage et sa rupture d’avec Hollywood. Elle s’envole alors pour l’Europe, notamment en France et en Angleterre. Cet exil donne une nouvelle direction à sa carrière en la faisant tourner devant la caméra de réalisateurs européens tels que les italiens Michelangelo Antonioni (Le Cri, 1957) et Mauro Bolognini (Quand la chair succombe, 1962), le français Claude Berri (Mazel Tov ou le mariage, 1969) le britannique Tony Richardson (A Delicate Balance, 1973) ou encore le grec Costa-Gavras (La Main droite du diable, 1988). Elle participera également de manière sporadique et anecdotique à des feuilletons et séries télévisées, ce jusqu’à sa mort en 2009, des suites d’un cancer.
Auteur : Caroline Véron