Fille cadette de parents divorcés, la jeune Juliette prend ses premiers cours de théâtre avec sa mère, puis s'installe à Paris où, parallèlement à sa scolarité, elle s'adonne à ses deux passions : la peinture et le théâtre. Elle monte Le Roi se meurt dans son lycée, et s'inscrit à 17 ans au Conservatoire du Xe arrondissement, avant de poursuivre sa formation auprès de Véra Gregh.
Juliette Binoche, qui a déjà joué Tchekhov ou Pirandello sur les planches, fait sa première apparition au cinéma en 1983 dans Liberty Belle, et obtient rapidement des petits rôles chez Godard (Je vous salue Marie) et Doillon (La Vie de famille). En 1985, Rendez-vous de Téchiné, dans lequel elle incarne une comédienne en herbe, l'impose comme l'une des actrices les plus prometteuses de sa génération. Récompensée par le Prix Romy-Schneider en 1986, elle donne deux ans plus tard la réplique à Daniel Day-Lewis dans L'Insoutenable légèreté de l'être, sa première expérience hors de nos frontières. Egérie de Leos Carax, qui l'initie à la cinéphilie, elle tourne Mauvais sang puis Les Amants du Pont-Neuf (1991), une œuvre ambitieuse, qui la mobilisera durant trois ans.
Après deux films en anglais (Fatale, Les Hauts de Hurlevent), Bleu de Kieslowski marque, en 1993, une nouvelle étape dans la carrière de Binoche, qui voit sa prestation saluée par un César et un Prix d'interprétation à Venise. Grâce à sa composition d'infirmière dévouée dans Le Patient anglais de Minghella, elle décroche en 1997 un Ours d'argent à Berlin et devient, 37 ans après Simone Signoret, la deuxième Française récompensée par un Oscar. En quête de personnages forts et d'univers romanesques, elle multiplie les films d'époque, du Hussard sur le toit (1996) au Chocolat (2001) en passant par La Veuve de Saint-Pierre (2000).
Aussi crédible en George Sand (Les Enfants du siècle, 1999) qu'en esthéticienne gouailleuse (Décalage horaire, 2002), Juliette Binoche ne délaisse pas le cinéma d'auteur : après des retrouvailles avec Téchiné (Alice et Martin), elle éclaire les œuvres dérangeantes de Haneke (Code inconnu en 2000, puis Caché en 2005) et Ferrara (Mary en 2005). Curieuse et passionnée, elle prend part à des films qui abordent des questions politiques : les crimes de l'Apartheid (In my country), le sort des réfugiés (Par effraction) ou le conflit israélo-palestinien (Désengagement).
Sa stature internationale lui permet d'apparaître dans des blockbusters (Godzilla, Ghost in the Shell) ou de travailler avec des maîtres du cinéma mondial tels que Hou Hsiao Hsien (Le Voyage du ballon rouge, 2008), Abbas Kiarostami (Shirin, Copie conforme pour lequel elle obtient le Prix d’interprétation féminine à Cannes), David Cronenberg (Cosmopolis, 2012) et les Japonais Naomi Kawase (Voyage à Yoshino, 2018) et Hirokazu Kore-eda (La Vérité (…), 2019).
Toujours là où on ne l'attend pas, elle s’offre en 2017 une parenthèse télévisée et joue avec son image le temps d’un épisode de Dix pour Cent aux côtés de Camille Cottin, qu’elle retrouve la même année dans Telle Mère, telle fille. Malgré sa popularité hors de nos frontières, elle démontre sa fidélité à des cinéastes français tels que Claire Denis (la comédie Un beau soleil intérieur et le controversé film de SF High Life), Bruno Dumont (l’austère biopic Camille Claudel, 1915 et l’extravagant Ma Loute) et Olivier Assayas (L’Heure d’été, Sils Maria, Doubles vies).