Mer de Barents, les jours sans nuit de l'été arctique se succèdent. Des hommes travaillent sans relâche, face à la mer, face à eux mêmes...
La Grande Hermine sillonne la mer de Barents. Au-delà du cercle polaire arctique, au coeur d’un été sans nuit, l’équipage du chalutier vient traquer le poisson. À la frontière du pays des glaces l’océan revêt des couleurs et des formes qui ne cessent d’envoûter malgré le danger qu’il recèle.
Vu du pont, l’océan règne en maître. Quelles que soient les conditions, il faut inlassablement remonter le filet sur le pont, puis descendre à l’usine trier et conditionner le poisson avant de le mettre en caisse. L’usine ne connait pas d’arrêt et les deux “bordées” tournent en cycles croisés de 6h de travail, 6h de repos. Le danger est omniprésent, la chute à la mer interdite et il n’y a pas de repos tant que le filet remonte plein. De la notion de semaine il ne reste que l’apéro du dimanche midi, dernier vestige d’un cycle terrien normal. Dans les cales, retirant leurs cirés et vestes de survie, les marins s’attèlent au travail à la chaîne. L’usine est ballotée par la houle mais il s’agit bel et bien ici d’une industrie lourde: cinq à quinze tonnes de poissons sont conditionnées par jour et pendant deux à trois mois. La chambre froide, aux allures de cathédrale, témoigne de l’avancement de la campagne de pêche. Le bateau ne rentrera que lorsque le quota de pêche sera rempli.
À bord, entre le souffle de la tempête et les ronronnements incessants du moteur, le vacarme est assourdissant. Les marins connaissent leur travail et l’effectuent sans un mot, saisons après saisons, sans jamais se justifier de leur présence à bord. Ces hommes semblent établir un équilibre entre l’ordre et le désordre, la répétition et l’imprévisible, pour se construire un univers supportable, familier, un univers qui les happe campagne après campagne. Comment cette prison avec vue sur la mer a pu devenir leur maison, l’équipage leur famille ? Comment l’éloignement des proches pendant de si longues périodes est-il supportable ? La contrainte économique ? L’héritage familial ? La fierté d’un métier encore mythique et dangereux ? Quelque chose de plus profond encore ? Comment tiennent-ils, ensemble ?