Comme Street Fighter en son temps (et contrairement à l'autre catastrophe de Mortal Kombat), Tekken est un film fantastique, qui pousse au délire autant qu'au plaisir. Battit sur des fondations douteuses, plombé par l'idée même d'adapter son sujet, cette première version de l'univers vidéoludique de Capcom et Namco fait comprendre au spectateur qu'elle sera, dès son introduction, un bordel infâme, mauvais, duquel on pourra quand même tirer grand plaisir.
Le principe d'adapter Tekken, s'il était complètement idiot, le principe du jeu n'étant pas intéressant de nature pour le cinéma, amène malgré lui à ce qu'on pourrait considérer comme le haut du panier des nanars de son temps. Bien supérieure aux Transformers de Bay, Battleship et toutes ces choses ultraspectaculaires, cette première adaptation s'engouffre dans l'idiotie dès son introduction, pour laquelle il va jusqu'à s'improviser film d'anticipation à la 1984, avec l"originalité" d'Equilibrium.
On a du mal à comprendre; Tekken qui part dans un délire dystopique sans montrer une once de combat, c'est absolument contre-nature. Comme Resident Evil qui deviendrait un film d'action. Rapidement (et heureusement), sont annoncées les bases de sa société, un tournoi de combats, appelé Iron Fist, affreusement arrangé pour nous balancer un scénario de film de science-fiction se voulant intelligent, sans parvenir à sortir de la case "ineptie" du Monopoly.
Dès ce moment, on rigole à gorge déployée; le comble interviendra par le biais du design des personnages, dont un Heihachi, aux sourcils plus effrayants que ceux de Morgan Freeman dans l'incroyable Dreamcatcher. Jin Kazama, Eddy Gordo, Bryan Fury, c'est vite fait suffisamment navrant pour finir bouche-bée, fasciné par tant d'obstination dans le grand n'importe quoi. C'est limite admirable d'à ce point croire qu'on fait un travail génial, quand on a le talent d'un Paul W.S. Anderson. Seul Raven reste correct, son look ne changeant presque pas du jeu de base.
Et s'ils ressemblent peu aux personnages d'origine, c'est surtout dans la construction de leur psychologie que Tekken part dans tous les sens. Tandis que nos deux antagonistes restent toujours aussi mauvais entre eux, les liens qu'ils entretiennent avec le personnage de Jin, rendu jeune américain fragile (soit éloigné du démon qu'il est censé être), et le souvenir de sa mère, élément insupportable d'une intrigue devenue, dès son apparition, horriblement prévisible.
Interagissant avec Jin au travers de flash-backs affreusement filtrés (le vert-jaune est insupportable à l'oeil) et annonciateurs de toutes les remises en question futures que connaîtra notre héro, elle a surtout le manque d'éducation de s'incruster à chaque combat de ce dernier, reprenant, ce n'est pas surprenant, chaque fois l'inversement des rôles par la simple volonté de fer de Kazama. Un cliché repris tant de fois qu'il deviendra au final un running-gag proprement éclatant, et qu'il participera à la classification nanardesque de l'oeuvre entière.
Mont infranchissable des pires stéréotypes (les méchants, les héros, les personnages secondaires, les dialogues, tout est fait selon les poncifs affreux du film d'action idiot), Tekken s'enfonce toujours plus profondément par sa manière de gérer les interactions entre ses personnages, au point de se boucler sur un ultime plan qui ne conclue même pas le triangle amoureux naissant, oubliant de donner de l'épaisseur aux relations amoureuses que peut mener Kazama (ce polygame).
Ainsi, Kelly Everton (qui plus est très jolie) ne sert qu'à faire que le spectateur moyen puisse s'identifier un peu plus au héro, tant il aimerait, lui aussi, le remplacer pour courtiser la plus jolie du tournoi; c'est là la logique du film qui, en plus d'être profondément stupide, enferme la femme dans un rôle d'objet, pratiquement de viande qu'on dégustera une fois les efforts passés. Après l'effort, le réconfort? Seulement si l'on a bien travaillé pour.
Jon Foo, catastrophique, faisait clairement tout pour se sortir de cette relation mal écrite; représentant de la naïveté de l'adolescence, du spectateur qui ne connaît rien au tournoi, il a le malheur de porter le film sur ses épaules et d'amener, du fait qu'il en est le héros, les pires idées : filiation avec le grand méchant, drame familial qu'on aurait voulu digne de Shakespeare (il n'est même pas du niveau d'un Dany Boon), dépassement de soi, référence aux apprentissages des grands films d'arts-martiaux de la belle époque, évolution du costume, des techniques, en somme une suite de bonnes intentions très mal exécutées qui terminent de le ranger dans la catégorie "pires adaptations à ce jour".
Le clou est enfoncé par sa mise en scène abominable, clipesque, baveuse, plus épileptique que nerveuse, mal montée, aux caméras qui ne savent jamais quand se poser et font n'importe quoi pour dynamiser ses scènes. Seul le premier combat (Raven contre Gordo) passe un minimum, l'intérêt venant plus de la capoeira que du reste. Pas même accompli qu'une suite était déjà prévue, Tekken n'a pas de réelle conclusion qu'il tentait déjà, au début des Avengers, les scènes post-génériques annonciatrices de suite.
Le Dieu du cinéma étant clément, cette équipe de bras cassés n'a pas donné lieu au renouvellement du carnage.