Si je devais faire une liste des 10 films qui sont à mes yeux les meilleurs, Southland Tales en ferait certainement partie.
OVNI incompris de Richard Kelly, le réalisateur du majestueux Donnie Darko, Southland Tales aura fait couler beaucoup d’encre et aura divisé les critiques du monde entier, certains y voyant le summum du chef d’oeuvre et d’autres y voyant le film le plus bordélique et incompréhensible qui soit.
D’ailleurs la première version présentée à Cannes eut une réception tellement mitigée (voire mauvaise) que Kelly décida de le remonter, l’audience n’y ayant rien compris tellement le first cut était éminemment bordélique.
Contrairement à Christopher Nolan, Kelly aime laisser une place énorme au mystère, chose qu’il fit avec Donnie Darko, cependant ce dernier était narré de manière compréhensible, tout comme le fait Nolan, or là c’est totalement l’inverse. Kelly nous offre une oeuvre singulière et étrange, et tellement désarticulée qu’elle nous donne l’impression d’être un puzzle dont toutes les pièces pourraient s’assembler les unes aux autres.
Pour faire simple imaginez Pulp Fiction, qui raconte plusieurs histoires sans ordre chronologique, maintenant imaginez le comme si toutes les histoires qui le composent étaient divisées en 10 ou en 100 et qu’ensuite tout ai été mis dans le désordre, bref une folie totale, tout simplement invendable si ce n’est à quelques amateurs de cinéma façon casse-tête chinois. De plus le film demande un culture catholique relativement importante, le film étant une adaptation contemporaine de l’Apocalypse du Nouveau Testament. Il est bon de savoir aussi que le film est adapté d’une graphic novel en 6 volumes (mais ne traite que des 3 derniers), écrite par Kelly lui-même.
Résumer l’histoire tiendrait de la prétention, mais grosso-modo, pour vous expliquer de quoi il en retourne, le film prend place dans un futur proche dans une réalité alternative, dans laquelle une multinationale a développé une technologie qui utilise le flux des océans pour palier à la pénurie de carburants. Malheureusement cela perturbe l’espace-temps ainsi que le comportement des humains. Boxer Santaros, interprété par Dwayne ‘The Rock’ Johnson, est un acteur amnésique qui veut réaliser un film, « The Power », qui est une mise en abîme, étant en fait l’histoire du film (en informatique on appelle cela une récursivité). Aidé par sa compagne (Sarah Michelle Gellar) ainsi que des révolutionnaires (dont Seann William Scott) il tentera d’aller à l’encontre de cette multinationale et sauver la Terre.
Il est également curieux, en plus de cette histoire alambiquée, que Kelly ait choisi des acteurs utilisés à contre emploi, étant tous plus familiers des blockbusters que des petites productions indépendantes (le film n’a coûté que 15 millions de dollars, soit les deux tiers de Bienvenue Chez les Ch’tis !). Pourtant Dwayne Johnson s’en sort parfaitement dans son rôle de pleutre pris de tics dés qu’une situation lui semble dangereuse, de même que Sean William Scott dans celui d’un révolutionnaire à la personnalité complexe, ainsi que Justin Timberlake en vétéran usé jusqu’à la corne et narrateur. En somme des acteurs souvent sous-estimés à cause de leurs interprétations habituelles et de leur passé, et auxquels Kelly fait le plus beau cadeau de leur vie, un rôle remettant les pendules à l’heure et prouvant que les plus belles perles ne sont pas toujours dans les océans que l’on croit. Kelly pousse même le vice jusqu’à offrir un rôle à Christophe Lambert, pariât du cinéma que plus personne ne veut engager, et qui comble de l’ironie se fait éclater les boules après avoir injurié une femme, du délire à l’état pur. A noter aussi la présence de Bai Ling, une des actrices la plus allumée du showbiz, ainsi que celle de Kevin Smith, grimé en vieillard.
On appréciera également la bande-son entièrement composée par Moby, mélancolique au possible et renforcée par des titres dans le même ton, comme « Wave of Mutilation » des Pixies, « Tender » de Blur ou encore « Blackout » de Muse. La direction de la photographie n’en est pas en reste puisque Kelly a repris son comparse habituel, Steven Poster, avec lequel il avait déjà travaillé sur Donnie Darko ainsi que plus récemment sur The Box.
En somme le film que Philip K. Dick aurait réalisé s’il avait été encore vivant et toujours aussi drogué, captivant et enivrant comme ses meilleures nouvelles, et qui est sans nul doute un hommage que Kelly lui a fait.
Malgré tout on reste déçus par cette édition DVD qui était promise comme comportant l’édition remontée et l’édition Cannes, hélas cette dernière sera passée à la trappe, néanmoins un petit malin ayant accès à cette version (Kelly ?) a eu la bonne idée de la balancer sur des sites illégaux, mais chut on ne vous a rien dit !