Des hommes d’honneur : c’est justement la thématique qui va peu à peu prendre forme au cours de ce long métrage. L’affaire qui nous réunit ici est-elle provoquée par le code d’honneur ou par un mystérieux code rouge ? A moins que ce ne soit tout bêtement une simple affaire soit de bizutage soit de représailles qui aurait mal tournée ? Quoiqu’il en soit, sachez que le code d’honneur et plus encore le fameux code rouge sont rattachés à l’armée. L’occasion est alors donnée de montrer au grand jour toute l’habileté et la grande maîtrise du contingent à manier les armes. Evidemment, le spectateur pourrait se demander à quoi sert cette démonstration. Eh bien en ce qui me concerne, je vois cette séquence comme si on voulait signifier à tout le monde que l’armée américaine, dotée de cette belle discipline réglée comme du papier à musique, est irréprochable en tous points. Il est vrai qu’il y a de quoi être impressionné par cette synchronisation quasi parfaite. Allons allons, avouez-le ! Et pourtant… là où règne la discipline n’est pas exempt des crimes perpétrés dans la vie civile. Spectateurs, soyez les bienvenus sur la base américaine de Guantanamo Bay. Deux jeunes marines sont arrêtés et accusés du meurtre d’un de leur compagnon d’armes, Santiago. Les coupables étant tout trouvés, et par la volonté d’expédier cette affaire en catimini, un jeune avocat inexpérimenté leur a été commis d’office, au grand dam du lieutenant Joanne Galoway, incarnée par Demi Moore. Portant son uniforme avec beaucoup de prestance, la comédienne interprète avec justesse la frustration de ne pas se voir confier les rênes, et elle est tout aussi magnifique dans cette sourde colère qu’elle a du mal à contenir quand elle voit à qui la défense des deux accusés a été confiée. Ça se comprend : le lieutenant Daniel Kaffee (Tom Cruise) est jeune, inexpérimenté (il n’a même jamais mis les pieds dans un tribunal), et est par-dessus le marché insouciant, un tantinet arrogant, préférant laisser courir l’inéluctable et s’adonner à sa passion pour le base-ball. Si Demi Moore nous donne déjà un petit aperçu de la femme implacable qu’elle va interpréter deux ans plus tard à l’occasion de "Harcèlement", Tom Cruise est quant à lui plus dans la continuité des rôles qu’il a pu jouer auparavant ("Top Gun", "La couleur de l’argent", "Rain man", "Cocktail"…). En effet, le lieutenant Daniel Kaffee est un jeune homme insouciant, irrésistible, sur qui rien n’a d’emprise, le côté séducteur en moins. Hé les filles, je ne dis pas qu’il a perdu ici tout son charme, hein. Soyons clair : je dis simplement qu’il n’a pas besoin de forcer son talent en la matière ! Sa prestance, sa façon d’être, son sourire enjôleur suffisent à eux seuls à faire chavirer le cœur des dames et le fait est qu'ici, il ne s'adonne pas à la drague. Mais limiter le casting de "Des hommes d’honneur" serait réducteur. Ce serait oublier la très bonne prestation des personnages secondaires, parmi lesquels on retrouve des noms prestigieux tels que Jack Nicholson en détestable colonel Nathan R. Jessup, Kiefer Sutherland dans le rigide uniforme du bras droit du colonel, et Kevin Bacon en capitaine Jack Ross quoique en demi-teinte du fait de ses rares et sommaires apparitions. On retrouve Noah Whyle qu’on verra ensuite plus largement à travers la série "Urgences", Cuba Gooding Jr ("Gladiateurs") qui retrouve James Marshall ("Gladiateurs" également) pour la seconde fois dans l’année, cette fois sans confrontation directe. Ah ben tiens, en parlant de James Marshall, par son personnage Downey, c’est bien lui qui va attirer toute la complaisance du public alors qu’il ne parle qu’à la demande expresse de son interlocuteur. Euuuuh pas la complaisance non. Disons que le spectateur éprouvera plutôt de la peine. De la peine et de la compassion. Tout du moins c’est vers lui qu’ira la plus grande part, car le caporal Dawson (Wolgang Bodison) en bénéficie lui aussi, du fait qu’il est dans le même bateau et qu'il est un peu plus enclin à parler. Plus précisément, pourquoi les deux ? Eh bien parce que ce sont de jeunes marines fraîchement sortis du moule, parce qu’ils exécutent à la perfection ce qui leur a été enseignés alors qu’on sent nettement que les événements les dépassent, encombrés par leur vérité prise sous le joug de la loi du silence. "Des hommes d’honneur" ne se limite pas pour autant qu’à ça. Le récit est habile et le montage d’une très grande qualité. Tout simplement parce que le focus s’attarde sur tous les personnages qui sont liés de près à l’affaire qui nous est exposée. En cela, l’évolution des personnages est remarquable. Les idées de départ sont bousculées : le spectateur découvre en compagnie de l’équipe à Kaffee une affaire de tout autre ampleur. Pas le meilleur film du genre, mais assurément un film prenant grâce à sa bonne écriture, son rythme parfaitement maîtrisé, et la bonne interprétation des acteurs.