Le titre l'annonce bien : le film a pour ligne directrice l'ouverture d'esprit et une volonté affichée d'effacer les frontières, qu'elles soient géographiques ou religieuses. Des hommes et des dieux donc, plutôt que des hommes et un seul dieu, une pluralité complaisante ( dans le bon sens du terme ) davantage que l'éternel egocentrisme dans lequel l'homme a l'habitude de s'enfermer et une manie de croire que les choix qu'il fait sont meilleurs que ceux de son prochain. Partager plus qu'imposer, s'ouvrir aux autres et mieux les comprendre, qu'il s'agisse d'hommes et de femmes ayant une culture différente ou alors de gens en apparence plus proches de nous ( l'invective des moines à frère Christian le montre bien, plus on est de fous à décider, mieux c'est ). Dans le message qu'il délivre, le film fait preuve d'une pureté qui va au-delà de la simple question religieuse ( comprenez : propagandiste ). Il est certes question de moines chrétiens, mais leur sensibilité, en dépit du fait qu'elle s'appuie sur une base religieuse, embrasse une question davantage humaine, et la religion retrouve une espèce de pureté compassionnelle dont elle a malheureusement trop tendance à s'éloigner d'habitude. La beauté du film réside surtout là, dans l'attitude de ses personnages qui semblent constamment en retrait, dont on perçoit la sagesse et l'humanité. Et le fait est qu'aucun d'eux ne semble plus important qu'un autre, ils forment un groupe dont chacun des membres est d'une sobriété exemplaire.
Partant de ce constat, Xavier Beauvois semble choisir une approche similaire, et fait de l'ascèse la vertu principale de sa mise en scène. Sauf que...sauf que le film a ce défaut irritant qu'il donne souvent l'impression d'avoir trop conscience de sa propre existence ( déjà, c'était le défaut du Grand Prix de l'an dernier, Un Prophète, un peu boursouflé par moments ) et de l'importance qu'il génère. Du coup, la subtilité qui caractérisait la psychologie des personnages vole en éclats quand le film aborde de front la question essentielle qui l'habite, à savoir le glissement d'une doctrine d'abord pure vers un bord extrémiste. De dialogues plutôt lourds ( où les personnages expliquent au spectateur ce qu'il faut comprendre, et pire, penser ) en situations dénuées de finesse, le film multiplie les maladresses et diminue considérablement la force de son message. C'est précisément le cas dans une séquence de fin, où, grâce à quelques cygnes, les moines prennent conscience de la proximité de leur mort. Le problème vient ici du fait que tout est surligné, chose qui n'aurait pas été si grave avec une musique off. Mais le caractère intradiégétique du morceau et surtout l'aspect solennel de sa mise en place sont des freins à l'implication du spectateur et à la sincérité du film. Ce passage - qui paradoxalement a une certaine beauté par sa mise en scène, à la fin - de par son côté insistant ( " Regardez-nous, nous écoutons une musique grave puisque nous vivons un moment qui l'est tout autant " ) ne fait rien d'autre qu'intensifier la maladresse d'un film aux intentions honnêtes mais aux moyens pas irréprochables, preuve de l'appartenance de l'oeuvre au genre de films engagés qui ont peur de mal faire et qui ne font que gagner en lourdeur. Communément, on appelle ça de mauvais films de gauche ( mais non pas de mauvais films tout court ). C'est d'ailleurs un paradoxe que Beauvois filme un tel sujet ( sobre, sans vagues ) en embourgeoisant sa mise en scène par moments. Où sont passées la subtilité et la force de ses précédents films BON DIEU ? ( je l'imite dans la non-subtilité là ). J'ajoute que l'interprétation n'est pas aussi bonne qu'on aurait pu penser ( surtout Wilson, étonnament moyen ).
Beaucoup de bruit pour peu donc, et un film intéressant dans son message humaniste mais assez limité techniquement et aux faiblesses notoires. Mais dans la vie tout est affaire de politique, et le jury cannois - comme celui de 2004 - s'est laissé impressionner par la volonté du film plus que par sa qualité globale.