3sur5 Austère, voir rêche ; Des hommes et des dieux est un véritable manifeste pour la politique d'une esthétique parfaitement sobre, ultra-réaliste et dépouillée. A-priori, il y aurait de quoi s'étonner de l'engouement populaire (mais aussi critique et festivalier) connu par ce récit de la disparition de kamikazes du Tout-Puissant. Pourtant, les raisons du consensus sont tout aussi évidentes ; Des hommes et des dieux n'est ni prosélyte ni démagogue, c'est de la liberté de choisir (ou d'une de ses formes) et d'une foi résistante qu'il fait l'éloge, prenant à contre-pied le piège de s'établir comme tablette des commandements du parfait vertueux petit martyr. Car les chemins de la foi aussi sont impénétrables ; c'est l'histoire d'un sacrifice consenti, d'un don de soi au nom d'un idéal humaniste (résister aux sbires d'un « gouvernement corrompu ») et religieux (tenir tête aux islamistes radicaux). Soumis à la menace islamiste, les moines refusent (en même temps qu'ils réfutent l'idée d'abandonner les lieux, et donc la population locale pour laquelle ils sont un appui et une lumière bienveillante) tout compromis avec le camp adverse, puisque camp de la guerre, de la terreur et de la haine: voilà une loi à laquelle il est sain de désobéir avec pour toutes armes, prier et dresser des conseils de paix et de confiance obstinée en l'avenir. Puis, finalement, entendre ces cris de désespoir étouffé et accepter de donner, de Soi et de l'aide. En d'autres terme, partager l'Amour que Dieu leur a transmis. Beauvois fait un compte-rendu didactique et sans fioritures d'une histoire vraie. Il s'agit en effet de la représentation de faits produits en 1996, date ou étaient retrouvés décapités des moines d'Algérie aux prises avec l'armée et les radicaux islamistes (l'affaire demeure non élucidée). Le final diverge quelque peu de la réalité connue, Beauvois se permettant un parti-pris quand à la désignation des circonstances de la prise d'otage – quoique les choses demeurent floues. Globalement, le film se fait surtout inventaire du quotidien, des préparatifs purement matériels, des confessions sur la foi, sur Dieu et l'Amour. S'y ajoutent des débats chrétiens/musulmans sur les livres sacrés ou l'ordre du monde contemporain (sans ce détail -la cohabition de deux communautés religieuses divergentes-, le caractère laic du film se serait facilement confondu avec celui de Marine Le Pen). On lira l'émotion qu'on voudra dans cette routine, éventuellement lassante et lourdaude, probablement bel hommage à la simplicité et la dévotion. La vérité se situe sans doute entre les deux ; on se passerait volontiers des chants et cérémonies à rallonge (filmées sans esbroufe, en plan fixe : c'est absolument terne !) pour se contenter des échanges, des moments de grâce et de silence (soit de contemplation).