Voici un film que je me souviens avoir découvert au début des années 80, à la télévision. Je l’ai regardé avec ma mère parce qu’il y avait Yves MONTAND en tête d’affiche. Pour moi, à l’époque, Montand c’était Tout feu tout flamme, où il doit canaliser l’hystérique Adjani, Le choix des armes, où il fait face au jeune chien fou Depardieu, Police python 357, le chef-d’œuvre du polar d’Alain CORNEAU, César et Rosalie, où il était comme moi amoureux de Romy SCHNEIDER. Au final, ce ne sera pas sa présence à l’écran (une dizaine de minutes) qui me fera aimer le film, mais bel et bien le propos de l’histoire et l’engagement de son réalisateur.
J’étais adolescent et m’éveillant à la conscience politique, la force de ce film allait me tomber dessus sans crier gare. Car l’assassinat de ce député d’opposition, non-violent, à un régime dictatorial, sous couvert de démocratie, dans un pays « imaginaire », me toucha profondément. L’injustice de cette situation et la difficulté du juge d’instruction (Jean-Louis TRINTIGNANT, parfait de détermination et de sobriété) à rendre la justice me révoltèrent. Je fus immédiatement en empathie avec ce petit fonctionnaire que l’Etat pensait pouvoir manipuler facilement et ranger à ses conclusions toutes faites.
L’encart en début de métrage m’avait averti : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire. » Je savais que j’évoluais dans un contexte particulier, mais il me fallu attendre la fin du film pour vraiment établir le lien avec la réalité de la Grèce, que je ne connaissais que très peu à l’époque. Heureusement, ma mère était là pour me l’expliquer, car je ne me souviens pas avoir étudié cette situation à l’école.
Ce fut grâce à ce film que je commençais, d’une part à m’intéresser à la politique de mon pays, mais aussi à la politique plus généralement, avec ses concepts et ses différentes formes. Mais, déjà cinéphile, je m’engageais alors dans une boulimie de longs-métrages du même type, qui commença par I… comme Icare (Henri VERNEUIL, 1 979), L’aveu (Costa-Gavras, 1 970). Je lisais à l’école Le zéro et l’infini (Arthur KOESTLER, 1 940). J’entrais en conscience grâce à ce film.
Même si le rythme s’essouffle un peu dans le dernier tiers, ce film est à montrer dans les écoles afin de susciter, pour ne pas dire stimuler, la conscience politique des adolescents comme ce fut le cas pour moi et démontrer que, parfois, une démocratie apparente n’est pas une démocratie effective. Je n’ai d’ailleurs véritablement compris que plus tard la métaphore du mildiou qui est exposée dans la première scène du film. Que voulez-vous ? Je manquais quelque peu de finesse et de culture à l’époque. Le raisin, la récolte (le pouvoir en place) et le microbe qui s’insinue sur les bons grains pour les contaminer (l’opposition). Ce film est vraiment excellent et porte la conscience ce sociale à un niveau supérieur.
A ce propos, il est intéressant de se souvenir que la firme américaine United Artists, qui finançait Costa-Gavras pour l’adaptation du roman éponyme de son compatriote Vassilis VASSILIKOS, s’est retirée du projet à la lecture du scénario, le jugeant trop politique dans sa dénonciation du totalitarisme. Une fois de plus, le cinéma grand public se devait d’être divertissant et non pas conscientisant. L’ironie de l’histoire fera de ce film le récipiendaire de l’Oscar du meilleur film étranger…