« Duel » est le premier long métrage réalisé par Steven Spielberg. Devenu culte, ce film est un modèle de thriller où la tension va crescendo. Pourtant le récit part d’un concept tout à fait rudimentaire. David Mann, employé de commerce, quitte son domicile de San Diego pour se rendre à un rendez-vous de travail. Il délaisse rapidement l’agglomération et se retrouve sur les routes du désert de Californie. Gêné par un vieux camion rouillé roulant au ralenti, il le dépasse, ce qui n’est pas du goût de celui-ci. Un duel et une course poursuite s’engage alors sur ces routes arides et inhospitalières. A partir de cette histoire simple, Steven Spielberg construit un film au suspense imparable et à la narration parfaite. Il utilise efficacement dans sa réalisation l’espace, par des plans serrés ou larges sur le camion, montrant sa supériorité menaçante par exemple par des vues en contre plongée ou des gros plans sur l’avant du monstre de métal où s’affichent comme des trophées plusieurs plaques d’immatriculation. La bonne idée du réalisateur est d’avoir totalement déshumanisé le camion en ne montrant jamais, ou très partiellement, son conducteur, comme si cette carcasse métallique agissait de son propre chef. Cette mise en scène est complétée par un travail sur les sons produits par les deux bolides lancés à toute vitesse sur des routes désertes. Le personnage de David Mann, dans son auto rouge, apparaît comme un être faible et vulnérable, à la merci de ce camion fou dont on ne saura jamais la véritable raison de son acharnement. Steven Spielberg insiste sur la faiblesse de ce personnage dont on apprend à l’occasion d’un appel téléphonique, la lâcheté de son attitude par rapport à sa femme. Si le film est une course poursuite, le récit réserve quelques plages de respiration, comme ce long arrêt dans un bar où David Mann tente d’identifier le conducteur du camion fou. Mais même dans ces périodes de répit, l’engin métallique n’est pas très loin, apparaissant même souvent en arrière plan. « Duel » peut apparaître également comme une métaphore sur le thème sempiternel du combat entre les forces du bien et les forces du mal. Avec sa masse imposante, ses couleurs indéfinissables, son klaxon menaçant et son allure fantomatique, le camion est la représentation du mal qui tente d’écraser l’incarnation du bien en la personne inoffensive et fragile du voyageur de commerce. Un combat de David contre Goliath mené avec une efficacité redoutable par Steven Spielberg. Un film à voir absolument.