Beaucoup aiment dire que la plupart des suites sont mauvaises, décevantes et ne possèdent plus l'esprit de l'original. Souvent, c'est le cas, comme le prouvent une flopée d'exemples ramassés à la pelle. Je vais vous en citer quelques uns des plus connus et des plus détestés : Starship Troopers 2 et 3 (surtout connus par les fans du premier), Batman Forever et Batman & Robin, Une Nuit en enfer 2 et 3, Vampires 2 et 3, ou encore Robocop 2 et 3.
Alors, pourquoi ce nouvel opus des aventures du robot flic est-il si détesté? On pourrait y répondre en deux raisons. La première concerne évidemment le départ de Paul Verhoeven, réalisateur du premier épisode, qui marque un véritable coup dur dans le cœur des fans de la saga. Bien sur qu'Irvin Keshner est un bon choix de metteur en scène pour une suite (surtout parce qu'on lui doit le meilleur Star Wars, à savoir L'Empire contre-attaque, un bon James Bond non officiel et le très sympathique Les Yeux de Laura Mars) mais il ne possède pas la patte de Verhoeven, ni son génie pour illustrer ses scénarios hauts en couleur.
Mais s'il n'est pas Verhoeven, il faut lui reconnaître un jusqu'au boutisme qui force le respect : si l'on ne pouvait pas faire de suite à son film (comme à tous les grands films de l'artiste), il fallait soit partir dans une direction inverse, soit perpétuer celle empruntée et la reproduire à l'excès. Cela, Keshner le réussit admirablement, au point même de se payer le luxe de livrer une réflexion sur son propre film, dans le film.
C'est le principe du scénario : reproduire le succès Robocop par un Robocop 2 plus performant, plus outrancier, qui réussirait encore plus de choses que l'original; la scène de présentation des deux premiers prototypes de la seconde machine est en ce sens lourde d'importance, tant elle place les jalons, dès le départ, d'une auto-critique dure et cruelle. A l'image de ces deux cyborgs détraqués, Robocop 2 a été fait de manière suicidaire et sera un film mort-né, enterré par ses détracteurs et, de fait, sa propre équipe de tournage.
Alors, on nous montre des gosses braqueurs, des opérations de cerveau qu'on laisse reposer, une fois extrait et toujours attaché à ses terminaisons nerveuses, dans un bac de produit conservateur. Les morts tombent sous des litres de sang, face à un Robocop duquel on a viré tout rapport avec son ancienne famille, et qu'on aura tenté, au travers d'un court passage d'environ cinq minutes, de décrédibiliser. Et cela fonctionne : c'est la petite touche Frank Miller, au scénario, couplé à l'académisme efficace de Keshner.
Forcément, c'est propice à la venue d'une histoire jouissive, gore à l'excès (pour l'époque du moins), atypique et acerbe : Robocop allant déjà loin dans la critique sociale, celui-ci pousse la critique à l'excès avec ses volants tueurs de voleurs, ces crèmes solaires qui donnent le cancer à leurs utilisateurs, ou cette drôle d'idée, très actuelle et cinématographique, de faire plus pour faire mieux.
Dès que l'on a compris cela, que Robocop 2, sur une idée de producteurs en quête de bénéfices, est en fait un immense bras d'honneur à l'industrie Hollywoodienne, il devient possible de l'apprécier à sa juste valeur; que dire de ce Robocop rendu enfantin, presque idiot, qui ne comprend plus rien et duquel on se moque, devenu mascotte de l'Amérique quand elle devait l'aimer pour sa protection.
Ne pourrait-on pas déceler ici une dénonciation de ce cinéma qui doit infantiliser ses icônes, uniformiser ses divertissements pour plaire à un public plus large, et oublier, au nom du profit de masse, la beauté de ce qui fait le septième art? L'inversion des rôles, Robocop devenant enfant et l'enfant du gang de Cain, Hob (intéressante identification de Robocop, lequel se souvient, en le voyant, de la vie de père qu'il a perdue), devenu caïd à son tour, pourrait attester de ce renversement des rôles au service d'une critique sarcastique d'Hollywood, où l'on tue autant les bons que les mauvais, où les prostitués font justice elles-mêmes et les magnats d'entreprise rejettent la faute sur les plus faibles, où l'on complimente le brushing de sa coéquipière pour, peut-être, dénoncer l'uniformisation d'un cinéma de divertissement qui commençait déjà à perdre de sa violence et de son anti-conformisme.
Dans cette logique, la personnalité des travailleurs de l'OCP, en particulier le vieux et Johnson, toujours interprétés par les mêmes bons acteurs du premier, gagne en puissance et en vice, perdant certes un peu des nuances de l'original pour y superposer un traitement de grands méchants, démontrant, une fois de plus, que le bureaucrate est plus dangereux, dans l'univers de Robocop, qu'une organisation criminelle de trafic entière.
Un traitement qui, s'il perd en finesse, gagne en impact et en violence, marque encore plus les esprits et permet de faire ce qu'aucune autre suite ou remake n'aura su faire pour le personnage : perpétuer l'univers génial de son metteur en scène, Verhoeven, et de ses scénaristes avec respect, originalité et l'idée de faire quelque chose de différent, presque sans lien tangible avec l'original (on croirait voir un remake, le masque de Murphy ayant été refait, certains acteurs remplacés -on pense à l'enfant de Murphy-, le thème principal exilé).
Saluons, avant de nous quitter, l'incroyable travail fait sur les effets spéciaux, véritablement fantastiques pour l'époque; on se souviendra notamment du Robocop démembré, superbe et répugnant, et du combat final ultra-spectaculaire, certes vieillissant mais, possiblement, annonciateur de certains blockbusters allant dans le sens de la critique de Robocop 2; vous aussi pensez à Transformers?
Du très bon travail.