Un Premier Ministre et sa secrétaire potelée. Un couple et leur ami zélé. Une trentenaire et son jeune collègue trop beau pour être vrai. Un jeune garçon et une camarade lointaine. Une épouse délaissée, un mari volage et une tentation de feu. Un quadragénaire en exil et une charmante femme de ménage. Des doublures cul qui pensent aux rôles authentiques, un rocker au cœur en friche. Point commun : la flèche de Cupidon, sa myrrhe et ses complications... Richard Curtis est depuis des années un joaillier dont la précision n’a d’égale que la discrétion. Planqué derrière ses stars (en pêle-mêle, Hugh Grant, Kristin Scott Thomas, Andy McDowell, Julia Roberts ou Renée Zellweger), ou dans une mesure moindre derrière ses réalisateurs, le scénariste a écrit les comédies romantiques les plus populaires de ces dernières années : "Quatre mariages et un enterrement", "Coup de foudre à Notting Hill" ou "Le Journal de Bridget Jones". Mais les héros sont fatigués, et auraient besoin d’un peu de vitamines, de viagra ou de botox. La solution est toute trouvée : après s’être moulé dans les codes de la comédie romantique, Richard Curtis, cette fois seul maître en place, va en signer le blockbuster. Le monstre de la comédie romantique, le parangon du genre, le phénix des hôtes de ces bois. Des bois dont les chemins sont sur-balisés, avec ses panneaux postés à intervalles réguliers, trucs et astuces qui font (ou défont) la réussite du genre. La comédie romantique est une marionnette dont on tire les ficelles depuis des années, et Richard Curtis, en Gepetto de la perfide Albion, confectionne son Pinocchio mi-poupée mi-être de chair, qui prend conscience de ses cordelettes pour mieux les agiter dans un joyeux vacarme d’enfer. Et Richard Curtis signe ici un film quelque peu définitif dans sa folle ampleur et dans son exacerbation des sentiments amoureux qui s’unissent dans un même épris kaléidoscope. On a ici quelques ingrédients : tout d’abord, laisser tomber la désuète et simpliste histoire d’amour à deux pour multiplier les possibilités. On n’en suivra plus une, ni deux ni trois mais neuf dont les mailles s’entremêlent dans un même pull pour le moins chamarré et scintillant. Le casting ne se limitera plus à un couple de stars aimées, mais s’ouvrira vers une pièce montée convoquant les chouchous maison (Hugh Grant, Colin Firth), les jeunes premiers bandants (Keira Knightley, Rodrigo Santoro) ou les stars satellites sans genre d’attache (Liam Neeson, Emma Thompson, Alan Rickman). Notons à l’occasion un sens fou du casting qui fait de chaque rôle à chaque caméo un miracle de réussite. La BO sera à l’unisson d’une explosion énamourée autant que musicale, avec gros violons de Craig Armstrong en bonus. Et la pièce montée est là, pimpante, musclée, ruisselante et prête à consommation goinfre et ivre. "Love Actually" est de ces comédies romantiques qui parviennent à transcender le genre en étant consciente des codes qui le constituent, à l’image d’un "Mariage de mon meilleur ami" qui en malmène le rose pour le tirer vers sa noire méchanceté. Ici, on conserve bien le rose des motifs mais on s’en amuse en les usant jusqu’au déchirement, comme l’inénarrable Bill Nighy se pare du fantôme d’un vieux tube de Wet Wet Wet pour signaler l’ouverture du bal. Sus aux indigestions, "Love Actually" est une excellente comédie romantique, un concentré émotionnel et un feel-good movie ultime, et est la montagne de chantilly dans laquelle il faudra faire ses roulades décomplexées en attendant Noël, où la cerise sur le gâteau devient une avalanche carminée faisant crouler de bonheur une pâtisserie des plus exquises...