Le grand cinéaste suédois Victor Sjöström (auteur des chefs d’œuvre du muet que sont La Charrette Fantôme 1921 et Le Vent 1923) joue le rôle du Professeur Isaac Borg , 75 ans, qui va de chez lui à Lund en voiture recevoir son diplôme de doctorat jubilaire marquant ses 50 ans de médecine. Sa bru Marianne l’accompagne, illuminant tout le film, comme le fait toujours Ingrid Thülin, par sa beauté éclatante, son expressivité et la question qu’elle porte : avoir un enfant alors que son mari Evald (Gunnar Björnstrand qui joue souvent des rôles tourmentés chez Bergman) n’en veut pas. Ils prennent en stop trois jeunes gens dont Sara (Bibi Anderson, toujours pétillante) rappelle au professeur Borg sa cousine Sara qu’il a aimée. Le film est alors entrecoupé des rêves de Borg qui reconstitue le temps de sa jeunesse et de son enfance vers 1917, à l’époque où, près du fjord, il cueillait des fraises des bois avec sa cousine. Enfin, après plusieurs péripéties et explications, on arrive à Lund chez Evald que Marianne avait quitté après une crise. Le père et le fils se rendent compte qu’ils ont été gagnés par la froideur de la mort, et, juste à temps, arrivent peut-être à exprimer leurs sentiments. Dans la dernière scène Ingrid Thulin resplendit comme une étoile dans sa robe de bal et embrasse le professeur qui s’endort.
Sjöström 79 ans, joue excellemment la fatigue de cet âge, car justement, il la ressentait pendant le tournage, Bibi Anderson qui terminait sa relation avec Bergman éclate de dynamisme et d’amour un peu ironique, Ingrid Thulin (1926-2004) qui était une immense actrice qui ne s’est pas mise en avant mais reste la plus grande comédienne suédoise transforme le film autour de la question vivre ou pas, qui ressurgit dans tous les films de Bergman. La beauté de la photo noir et blanc s’exprime à la fois dans les visages et la paysages et les cadrages souvent complexes ne le sont jamais inutilement. Comme tsouvent chez Bergman on pense qu’il s’agit d’une pièce de Tchékhov déjà jouée maintes fois, au découpage rodé, qu’il ne s’agissait plus que filmer en extérieur.
Les Fraises Sauvages a toujours été un des mes trois films préférés, je n’en n’ai pas honte car je partage cet avis avec beaucoup d'autres cinéphiles, Stanley Kubrick, notamment.