J'avais essayé de regarder ce film d'animation (qui est bien plus que de l'animation) à la fin des années '80, bien avant de voir l'oeuvre de Peter Jackson qui, elle-même, me donna envie de lire le roman original et, par la suite, l'oeuvre intégrale de ce conteur exceptionnel qu'était Tolkien. J'avais vite laissé tomber, tant l'immersion dans un univers tellement dense se fait sans aucune introduction, à la différence et des films de Jackson et des livres de Tolkien.
Venant de terminer le film consacré à la jeunesse du romancier (sobrement intitulé "Tolkien", Dome Karukoski, 2019), je me suis souvenu que j'avais encore le long métrage de Ralph Bakshi dans mes archives et je me suis dit : "pourquoi pas ?".
Bien m'en a pris. Si l'histoire est survolée rapidement et présentée, au début, comme un conte pour enfant, sans la noirceur de la trilogie jacksonnienne ni l'élévation héroïque des romans, il faut reconnaître que les procédés graphiques utilisés, mélange de théâtre d'ombres à la Michel Ocelot, de rotoscopie (ancêtre de la capture de mouvements), de postérisation, de surimpression, de dessin animé classique, donnent une profondeur à l'ensemble, rendant ainsi hommage à l'oeuvre de Tolkien, elle-même patchwork de notes explicatives, de longs moments descriptifs bucoliques, de chansons, de poèmes, de légendes et, bien sûr, de passages d'action.
Hélas, ce film, techniquement complexe, est ancré dans son époque, les années '70 où la saturation des couleurs et les expériences graphiques furent vite démodées (qu'on se rappelle les BD criardes qui eurent cours jusqu'au milieu des années '80). Il convient dont de regarder cette oeuvre comme un document, avec un oeil curieux des techniques de l'époque.
Au niveau du scénario, on notera que pas mal de scènes du livre sont absentes, ce qui en rend le suivi plutôt brutal. On peut d'ailleurs s'interroger sur l'influence que cette oeuvre a eu sur celle de Jackson (scène des lits éventrés absente du livre et passage de Tom Bombadil purement et simplement escamoté dans les deux), également au niveau visuel.
Ce Seigneur des Anneaux est donc une oeuvre complexe et dichotomique : certaines animations sont de réelles prouesses (les chevauchées et les mouvements) et d'autres sont très mal foutues (les scènes de bataille), les personnages des hobbits sont enfantins à un point agaçant et les nazguls réellement terrifiants, certains décors sont à couper le souffle et d'autres bâclés, l'esprit du livre est globalement respecté mais avec beaucoup de coupures et, surtout, aucune suite à ce premier film
(qui se termine à la victoire du Gouffre de Helm)
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Oeuvre à conseiller aux connaisseurs et aux cinéphiles.