Parfois mou et naïf, Dark Crystal manque d'inspiration dans son ossature narrative. Le scénario suit les jalons les plus classiques de l'Heroic Fantasy : la séparation binaire entre le Bien et le Mal, la prophétie, la quête chevaleresque, l'artefact magique… À cet égard, on pourrait prendre le film comme un énième portage cinématographique du mythe Arthurien. À la différence près que, dans sa rêverie magique, il réussit à tordre ses défauts pour y apporter une ambivalence merveilleuse et humaniste.
D'emblée, on ne se prive pas de représenter les Skeksès comme une race pernicieuse. Ce sont littéralement des rapaces esclavagistes, corrompus, gloutons, assoiffés par le pouvoir conféré par le Cristal Noir. Ils baignent dans l'opulence et cherchent à conserver leurs privilèges en contrant la seule fragilité qu'ils partagent encore avec les autres créatures : la mortalité. Ils ripaillent, piaillent, intrigaillent et se livrent à des gamineries brutales – qui tapera le plus fort dans le rocher ? Leur voracité se matérialise en un château difforme, enténébré par un orage perpétuel. Et, dernier ressort de leur perversité, ils missionnent leur milice caparaçonnée – des coquilles vides – de détruire, piller, brûler et capturer des créatures plus faibles pour aspirer leur vitalité.
Cet antagonisme se contrebalance de deux manières : via les entités auxquelles ils sont reliées, les Mystiques, paisibles et sages ; et par les Gelflings et les Podlings, pacifiques habitants sylvestres.
L'harmonie avec la nature s'impose comme autre thème central de Dark Crystal. Assumant de suivre les codes révérencieux de la fantaisie, le film ne s'enferre pas pour autant dans le conte médiéval. Il n'y a ni princesse à sauver ni dragon à pourfendre. Seulement l'union des peuples, dont la solution ne saurait se trouver dans la violence : toute blessure infligée aux Skeksès est subie par son homologue Mystique.
C'est donc par l'ingéniosité et l'entraide
qu'ils trouvent le moyen de réparer le Cristal Noir. L'entité originelle fractionnée recouvre ses deux parties : sérénité et avidité
. L'harmonie est le fruit d'une synthèse équilibrée des contraires, et non de l'absence de négativité.
En usant de marionnettes, Henson et Oz assument de fabriquer une fable à la fois surannée et visionnaire, dont la technique peut prêter à la moquerie, mais, contrairement aux effets spéciaux numériques, ne jamais vraiment subir les affres du temps.