The Good German est un film qui cultive les paradoxes. J'ai très peu vécu ça avec le cinéma, cette sensation d'être à la fois à fond dans le film et à la fois totalement en dehors. Je commence par le pire : le scénario. Au bout de dix minutes je me désintéressais déjà de l'histoire, je sais à peine de quoi il fut question, et si on me demande de quoi ça parle je pourrais très bien dire que c'est l'histoire d'un mec qui gagne une partie de poker et qui embarque sur le Titanic. Signe d'un désintérêt évident de ma part. L'histoire est trop classique et surtout, les événements s'enchaînent mécaniquement, comme s'il s'agissait d'un film dont l'histoire serait produite " à la chaîne " : c'est fait sans y mettre de la personnalité ni aucune âme, froidement. Et cette froideur semble contaminer les personnages, qui dépassent rarement les stéréotypes qu'ils représentent. Du coup, The Good German apparaît comme un objet très froid, un peu vain et désincarné.
Cette sensation de vide peut s'expliquer par les velléités référentielles de son metteur en scène, qui cite principalement deux films - trois en fait, mais ça casse mon effet - dont The Good German serait l'enfant : Casablanca et Allemagne Années Zéro, soit le mélange pas si anodin que ça de deux films sur lesquels ont travaillé Ingrid Bergman et Roberto Rossellini, unis à la ville pour ceux qui suivraient pas. L'autre film, c'est Le Troisième Homme, que Soderbergh cite à plusieurs reprises, notamment lors d'une scène d'égout dont la profondeur de champ rappelle la fin du Carol Reed. Le problème ici, réside dans la gratuité apparente du jeu sur les références. Soderbergh semble citer pour citer, et là où la référence et l'hommage devraient se subordiner au film, c'est l'inverse qui se produit.
Du coup, The Good German avait toutes les chances d'être un film raté. Mais étrangement, il n'en est rien. Pourquoi ? Sûrement parce que l'erreur consisterait à voir ce film au premier degré. Il faut un peu plus de recul pour apprécier The Good German à sa juste valeur, et voir que Soderbergh copie certes les méthodes de mise en scène des années 40, mais que cela ne sert qu'à produire un discours de cinéphile qui connaît ses classiques sur le bout des doigts et qui crée un hybride à l'allure imparfaite mais néanmoins intéressante. C'est donc plutôt dans cette manière toute soderberghienne de chercher l'expérimentation qu'il faut creuser pour trouver de l'intérêt à une oeuvre qui ne cesse de dérouter le spectateur et de le questionner sur ce à quoi il assiste. Avoir le culot de trouver le film mauvais - ce qu'il est parfaitement en apparences - est bel et bien un affront envers le génie manipulateur de son cinéaste, qui pompe tout un pan du cinéma pour en faire ressortir de la nostalgie, et qui met en scène une oeuvre nécessaire puisqu'elle éclaire une époque révolue en adoptant un point de vue moderne qui montre justement le caractère inexorablement répétitif de l'Histoire et celui plus malléable de l'Histoire de l'Art, d'un point de vue formel plus particulièrement. Encore une fois donc, c'est l'art qui l'emporte sur la vie.
Ennuyeux et fascinant à la fois, un film qui tient du génie.