Sorte de plaisir coupable que ce "Mercato" de Tristan Séguéla qui nous livre ici un film de sport à la française, boiteux mais qu'on sent pétri de bonnes intentions.
La force principale du film réside dans sa reconstitution minutieuse du microcosme du football moderne, dans toute sa schizophrénie, où les enjeux financiers dépassent largement la vérité sportive. On couvre donc en 2 heures, le repérage (l'exploitation ?) des jeunes talents émergents ainsi que les gros transferts de joueurs en fin de carrière en passant par le suivi des joueurs historiques en perte de vitesse et en conflit avec leur club. Le hic, c'est que dès que l'on gratte la patine, les incohérences dérangeantes commencent à pleuvoir: Comment un agent médiocre comme Driss peut-il continuer à avoir l'oreille de tous les plus grands clubs d'Europe et un budget illimité pour voyager ? Pourquoi est-ce que les scènes de match au Paris Saint-Germain affichent-elles un niveau de jeu digne d'un tournoi de U15 ? Et à ces questions lancinantes qui se posent progressivement s'ajoute une galerie de personnages unidimensionnels et inintéressants au possible (à l'exception de la fratrie Gassama). L'écriture de la relation père-fils est catastrophique, sans aucun ancrage, ni évolution, ni relief; les "méchants" le sont par pur plaisir, dans une tentative d'aider le scénariste à créer une tension bien superficielle.
Mais malgré cette écriture faiblarde, j'avoue avoir été assez emporté par le rythme global qui fonctionne bien, grâce notamment à un Jamel à contre-emploi qui incarne admirablement cet agent sans-scrupule, prêt à sacrifier ses protégés (et pas que) sur l'autel de sa réussite financière. D'un point de vue formel, Séguéla lorgne ostensiblement du côté des frères Safdie et des excellentissimes "Good Time" et "Uncut Gems". On y retrouve leur esthétique clipesque, leur musique électro éthérée et planante ainsi que ce sentiment d'un alignement astral de malchance qui enferme le protagoniste dans une spirale inextricable d'échec.
Même s'ils n'atteint pas ses maîtres, "Mercato" démontre un vrai amour du football tout au long du métrage. Il ne tourne jamais ce dernier en ridicule (et ne questionne jamais réellement ce modèle ce qui en rebutera probablement certains) et parsème même l'intrigue de références contemporaines ou passées à la mythologie de cette discipline.
En tant que fan du ballon rond, je suis très peu objectif sur ce film qui m'a emporté, malgré ses nombreux défauts, dans cette dissection du football d'aujourd'hui. Pour un profane de la discipline, dénué des œillères que j'ai gaiement conservé durant mon visionnage, il est compréhensible que la note s'effondre d'au moins une étoile.