Il me fallait bien voir un jour le film le plus réputé de Lubitsch, ce berlinois devenu américain.
Le noir et blanc est théâtral, la mise en scène alerte et élégante, les décors extérieurs sentent à plein nez le studio façon Hollywood: on est fixé dès la musique pompeuse du générique.
Le scénario est alerte et même astucieux. Le mélange entre la vie personnelle des protagonistes, le jeu d’acteurs de théâtre qu’ils sont, et leur implication dans un réseau de résistance à Varsovie, permet de multiples rebondissements, allers et retours, quiproquos en cascade. Il faut s’accrocher un peu pour suivre en VO, mais le montage est une réussite pour emmener le spectateur au bout de l’épopée sans qu’il perde le fil.
Hitler et la Gestapo sont gentiment tournés en dérision. On se soucie peu de vraisemblance: tout le monde parle anglais et comme au théâtre, un bon costume suffit à se faire passer pour un autre et à tromper la vigilance de l’ennemi. Tarantino a certainement visionné ce film avant de tourner Inglorious Basterds en prendra le contrepied dans la fameuse scène de confrontation en sous-sol entre espions anglais déguisés en allemands et de vrais nazis. (Dans cette scène, un seul geste banal trahit la vraie nationalité de l’un des anglais, et déclenche une fusillade générale.)
Lubitsch, au sommet de sa carrière, maitrise le mélange entre le ton de la comédie (l’éternel mari trompé, l’acteur cabotin, l’admirateur naïf) et la réalité de la guerre dans laquelle sont immergés les personnages. Son cinéma est caractéristique de la génération d’avant-guerre. Dans la même veine, Le dictateur de Chaplin me parait cependant plus percutant, et inventif dans la critique du régime nazi.
Le jeune Robert Stack est déjà intrépide et incorruptible! Carole Lombard resplendit en femme fatale, et parfaite infidèle. Ce sera son dernier film.
DVD septembre 2015
Revu en grand écran lors du Festival Lumière 2020: vraiment une des meilleures comédies Toute la salle, pleine, a apprécié ce film vieux de 70 ans!