Nous sommes en 1942, l’Europe est en grande difficulté dans la guerre face à l’Allemagne nazi et c'est à ce moment-là que le réalisateur d’origine allemande Ernst Lubitsch décide de produire et réaliser une comédie se déroulant en Pologne et mettant en scène la résistance à travers une troupe de comédiens.
Débutant juste avant le début de la guerre, Lubitsch rentre assez vite dans le vif du sujet avec cette savoureuse première scène où l'on suit une troupe de comédiens déguisés en nazi dont un en Hitler. Peu à peu, il présente les protagonistes importants et notamment le couple vedette avec la belle et indépendante Maria Tura, sensible aux charmes d'un jeune officier. Mais lorsque Lubitsch va mettre en place son intrigue, ils vont peu à peu se confronter à la Gestapo, jouant avec leur tenue vestimentaire nazie, pour tenter de les duper et de fuir le pays pour l'Angleterre.
Et Lubitsch fait des merveilles avec ce sujet ô combien difficile à traiter. Il fait en même temps preuve de subtilité, d'aisance et de finesse, mais aussi, et c'est là l'une des réussites, il ne se fixe aucune limite et va au bout des choses pour ridiculiser le régime nazi, n'hésitant pas à les montrer comme des clowns, se laissant séduire facilement ou encore en se faisant duper par des sosies.
Et dans le même temps, le suspense tient tout le long, on se passionne à suivre ces personnages, tous intéressants, dans leurs péripéties et prendre des risques pour flouer l'ennemi. Il maîtrise sa satire de bout en bout et ne commet aucune faute de gout, mêlant humour, suspense et intelligence avec brio, il passe du tragique au burlesque, tout en restant léger et réaliste. L'écriture est de très grande qualité, que ce soit donc au niveau des personnages, du déroulement mais aussi (et surtout) des dialogues, qui sonnent toujours juste avec quelques pépites au niveau des répliques.
Parmi les points forts du film (enfin, il n'y a quasiment que cela), il y a aussi la manière dont le cinéaste d'origine allemande utilise le théâtre dans le film et que les acteurs jouent des acteurs. D'ailleurs le contraste est fort tant Lubitsch joue avec plusieurs éléments théâtraux (la mise en abyme, les situations, les dialogues...) mais sans tomber dans le "film théâtrale" tant il use d'ellipses narratives maitrisées dans des scènes qui s’enchaînent à toute vitesse.
La réussite du film tient aussi dans les excellentes interprétations. Carole Lombard (qui connaîtra la mort peu avant la sortie du film) est charmante à souhait dans ce rôle de femme indépendante, Jack Benny est lui aussi impeccable dans le rôle de son mari et dans l'ensemble, tous les acteurs sont impeccables, bénéficiant de la bonne direction de Lubitsch.
Drôle, intelligent, subtil, léger et maîtrisé d'une main de maître, "To Be or Not to Be" se savoure sans modération, brillant de bout en bout.