Rendez-vous à « Foutraque-City »
J’ai découvert Thierry Klifa en 2010 avec un drame – que j’avais pour ma part trouvé un tantinet poussif -, Les Yeux de sa mère, puis en 2017, un bon thriller Tout nous sépare avec encore une fois un gros casting. Pour la 1ère fois, il glisse vers la comédie à la fois dramatique et foutraque. Cuisinière à domicile, Rachel, sorte de Ma Dalton, a élevé ses fils Sam et Jérémie, et son petit-fils, Nathan, dans le culte de l’arnaque. De plans foireux en petits larcins, cette sympathique famille de bras cassés court toujours après le gros coup. Chance ou fatalité, lors d’un cambriolage, ils volent sans en connaître sa valeur, une toile de Tamara de Lempicka. Céleste, une détective rusée et charmeuse, se lance alors à leur poursuite. On s’amuse, on s’irrite parfois, mais on se délecte surtout des numéros proposés par des comédiennes et comédiens – souvent à contre-emploi -, totalement survoltés. Une curiosité.
En rupture totale avec ses films précédents, Klifa avait sûrement un gros besoin de légèreté, de lumière et de joie – parfois féroce -. De l’amour, de l’amitié, de l’extravagance, des engueulades, des réconciliations, ça n’arrête pas… car l’atout principal de cette comédie – outre son casing – c’est le rythme. Un portrait d’une famille, les Zimmerman, à la fois réjouissante et toxique qui lorgne vers ce qu’on a appelé dans les années 50, le néoréalisme rose, venu d’Italie, où les anti-héros étaient des gens de tous les jours jouant en permanence avec la légalité pour sauver leur peau ou leur honneur et dont l’extravagance tenait aux situations qu’ils traversaient, à la fois victimes et bourreaux. Ce film semble s’inspirer du triptyque cher au grand Lubitsch : l’ellipse, l’attente, la surprise. On atteint pas ces sommets, mais voilà une comédie plus que sympathique qu’on peut aller voir sans crainte.
Et puis, j’y reviens, il y a le casting avec tout en haut de l’affiche l’incroyable Fanny Ardant, en Ma Dalton insupportable, Mathieu Kassovitz, en dépressif chronique, Dominique Duvauchelle, - dont je ne vous dirais rien, c’est la surprise -, Laetitia Doesch, Michel Wuillermoz, Ben Attal… tout ce petit monde s’amuse et nous amuse beaucoup. Et puis la musique d’Alex Beaupin, qui fait partie intégrante de l’action – il y a plus d’une heure de musique dans ce film -. Klifa se revendique de Jean-Paul Rappeneau et Philippe de Broca. C’est sans doute pousser le bouchon de la prétention un peu loin, mais franchement son film se laisse regarder avec beaucoup de plaisir.