Il y a encore quelques semaines, à part quelques spécialistes très pointus, qui connaissait le compositeur tchèque Josef Mysliveček (9 March 1737 – 4 February 1781) ? Il fut pourtant un des plus grands compositeurs des années 1760 -1780, période charnière entre style baroque et style classique, et il était surtout connu, voire adulé, dans toute l'Europe, pour ses opéras, des opéras séria, une bonne trentaine au total. Bien que né 19 ans avant Mozart, on peut les considérer comme ayant été contemporains en tant que compositeurs et ils ont composé tous les 2 leur premier opéra à peu près au même moment, 1766 pour Josef, 1767 pour Wolfgang Amadeus. Par ailleurs Josef et Wolfgang Amadeus avaient l'un pour l'autre une grande admiration. Pourquoi Mysliveček a-t-il très vite sombré dans l'oubli ? C'est un véritable mystère tant ce qu'on entend dans "Il Boemo" est d'une extraordinaire qualité. C'est sans doute pour tenter de réparer cette injustice que le réalisateur Petr Vaclav, tchèque lui aussi mais qui vit en France depuis plusieurs années, a entrepris de tourner son "Josef", son "Amadeus" si vous préférez, en donnant comme titre à son film le sobriquet dont était affublé Josef Mysliveček en Italie. Le film regorgeant de passages musicaux et, en particulier, d'extraits d'opéraS de Josef Mysliveček, "Il Boemo" ravira à coup sûr les amateurs de musique mais même ceux qui sont insensibles à cet art pourront y trouver leur compte, le film donnant un très bon aperçu de ce qu'était la vie, aux alentours de 1760 - 1770, d'une certaine tranche de la société dans diverses villes d'Italie : un libertinage très poussé faisant bon ménage avec la religion à Venise, le rôle important tenu par les femmes dans le domaine artistique, la présence de la syphilis qui finira par avoir la peau de Josef Mysliveček, aux deux sens de l'expression, les conditions sociales très difficiles chez les castrats, les revenus 10 fois moins importants pour un grand compositeur que pour une diva interprétant sa musique, la concurrence entre les théâtres pour s'accaparer les grands artistes, le mélange de raffinement et de trivialité propre à cette époque, l'adulation mêlée de mépris pour les cantatrices, souvent traitées de prostituées, l'émergence d'une Europe unie en matière artistique, etc ., etc.. Si l'on peut regretter une certaine froideur chez Vojtěch Dyk, l'interprète de Josef Mysliveček, il n'en sera pas de même pour les interprètes féminines et, tout particulièrement, Barbara Ronchi dans le rôle de Caterina Gabrielli, la grande diva de l'époque (doublée vocalement par la soprano slovaque Simona Šaturová dans les arias qu'on entend dans le film). Les amateurs de chant lyrique seront forcément aux anges dans une des dernières scènes du film qui voit un extrait d'une représentation de l’"Olimpiade" de Josef Mysliveček mettant face à face notre contre-ténor national Philippe Jaroussky et la soprano Raffaella Milanesi, travestie en homme pour incarner le castrat Luigi Marchesi, interprète de Mégacle dans cet opéra. Après avoir vu ce magnifique film, on espère que les grandes scènes européennes d'opéra ainsi que les divers festivals d'art lyrique auront à cœur de re-créer les opéras de Mysliveček pour le bonheur du public du 21ème siècle.