IL BOEMO, film de Petr Vaclav.
La postérité est parfois bien injuste. On sait qu’elle a occulté beaucoup de femmes artistes tout simplement parce qu’elles étaient des femmes mais pourquoi a-t-elle oublié Josef Myslivecek ? Tout de même pas parce qu’il avait un nom difficile à retenir ! On le surnomma vite, d’ailleurs, par commodité, « Il Boemo ». Le film commence par la mort du musicien, tombé dans la misère, pour s’achever sur une autre mort : on nous fait entendre un sublime air d’opéra qui fut refusé par les grands théâtres d’Italie. Pourtant, « Il Boemo », qui avait quitté sa Prague natale pour Venise, plus ouverte, pensait-il, aux compositeurs débutants, fit une belle carrière et put voir jouer ses opéras dans des lieux prestigieux. Mozart lui-même l’admirait. Tous les moments musicaux qui nous sont offerts nous permettent de découvrir une très belle musique, à mi-chemin entre le baroque et les opéras de Mozart. Oui, à n’en pas douter, Myslivecek (magnifiquement incarné par Vojtech Dyk) était un grand compositeur et il faut espérer que le film le réhabilitera comme il le mérite. L’histoire est envoûtante, avec des séquences souvent courtes, qui nous permettent non seulement de mieux connaître cet artiste mais une Venise où le libertinage de certain(e)s côtoie l’oppression des femmes, et pas seulement des femmes du peuple. La géniale chanteuse lyrique, Catarina Gabrielli (Barbara Ronchi) dit qu’elle est considérée comme une putain, la belle marquise dont s’éprend Myslivecek est opprimée par un mari violent, jaloux, qui n’hésite pas à la violer pour bien lui montrer qu’il est le maître, la jeune élève du « Boemo », dont elle s’est éperdument éprise, est destinée à épouser un très vieil homme qui lui répugne. Le sort des artistes n’est pas très enviable non plus : Myslivecek avoue à son frère qu’il gagne dix fois moins que les chanteurs qui interprètent ses œuvres. Tourné en Italie et à Prague, le film nous fait pénétrer dans des palais sublimes aux murs peints, aux chandeliers d’or, aux portes sculptées, puis nous promène dans d’immenses jardins ou sur les canaux de Venise, très souvent en plans rapides, accompagnés par la musique qui est sans doute le personnage le plus important. Le réalisateur joue beaucoup de l’ombre et de la lumière, suggère qu’il ne faut pas se fier aux apparences, habille ses personnages de costumes somptueux ou d’un noir plus inquiétant : les individus sont souvent masqués et on peut se tromper sur leur identité. La scène entre le petit Mozart, très extraverti, et Myslivecek, est très savoureuse. Celui-ci n’est-il d’ailleurs pas, par anticipation, le Don Giovanni du futur opéra de Mozart, lui qui séduit toutes les femmes, « d’ogni forma, d’ogni età » ? Ce don-juanisme lui coûtera d’ailleurs la vie puisqu’il mourra de la syphilis à l’âge de 44 ans. Espérons en tout cas que cet hommage posthume nous permettra de découvrir prochainement sur une scène un opéra de Myslivecek.