Avec l'objectif de moquer le principe très en vogue du "requel" (la suite-reboot chargée de relancer une franchise à succès) tout en ramenant les proies préférées de Ghostface afin de passer le flambeau à une nouvelle génération de victimes, "Scream" (2022) tombait certes parfois dans les travers opportunistes du type de long-métrage qu'il entendait dénoncer mais trouvait néanmoins un bon terrain de jeu avec ces codes du "legacy sequel" inédits pour la saga et, surtout, arrivait à en tirer un slasher sympathique, parvenant même à titiller la fibre nostalgique des amoureux de "Scream" par sa réactualisation en forme d'hommage aux fondamentaux mis en place par le tandem Wes Craven/Kevin Williamson.
Toutefois, l'annonce très rapide d'une autre suite en chantier pour l'année suivante posait déjà un problème essentiel: après avoir pris comme tête de turc le modèle du requel, et ainsi poser quelques interrogations pertinentes sur les attentes du public vis-à-vis de l'évolution récente du cinéma d'horreur (avec l'affirmation de la mouvance "elevated horror" notamment), quel format un "Scream 6" allait-il bien pouvoir tourner en dérision vu qu'il n'y en a pour ainsi dire plus eu d'autre majeur après ce dernier ? Eh bien, la réponse de ce sixième opus à cette problématique sera tout bonnement la notion de franchise en elle-même, ce qui, soyons honnêtes, voudra tout et ne rien dire dans le cas présent, mettant au même degré le concept encore balbutiant de suite de requel (avec des échos évidemment plus que prononcés à "Scream 2") et celui d'un opus de franchise horrifique à rallonge n'ayant plus d'autre argument scénaristique que d'envoyer son tueur hors de son cadre habituel afin de redonner un peu de fraîcheur à ses meurtres (comme Jason Voorhees à l'époque, Ghostface s'offre une virée new-yorkaise... mais, après les décors déjà extérieurs à Woodsboro des deuxième et troisième opus, peut-on vraiment parler d'une innovation ?) pour un résultat où finalement, comme le dit personnage héritier du cinéphile Randy, "Tout peut arriver !", une caractéristique similaire à tous les derniers films "Scream" où plus aucune règle n'a cours en somme... Bref, sans cible bien établie ou spécifique sur laquelle lancer ses flèches satiriques, "Scream 6" se présente d'emblée comme l'épisode ayant le moins de choses consistantes à offrir sur ce point. Et ce ne sera hélas pas sa seule faiblesse...
Incapable de tirer parti de ses quelques prises de risque en termes d'intrigue ou de se défaire d'un passé bien plus glorieux qu'il répète jusqu'à l'emmener vers le risible, "Scream 6" ne va en effet jamais réussir à se défaire de son statut de film "de trop", ne proposant aucun cap à suivre pour justifier une quelconque plus-value décisive à la saga dans son ensemble.
Du côté des éléments qui voudraient détonner des ressorts habituels, la séquence d'ouverture est un des parfaits symptômes de ce qui conduit à leurs échecs : vraiment étonnante un premier temps par le contrepied qu'elle choisit en déjouant nos attentes autour des habitudes de Ghostface (bon, si l'on oublie la bêtise assez folle du personnage féminin, même le tueur la remarque !), l'effet se dégonfle telle une baudruche dans sa deuxième partie qui peine à apporter quoi que ce soit de neuf ou viable derrière sinon un assassin que l'on comprend plus violent dans une introduction qui restera in fine comme la plus oubliable de toute la saga. Autre exemple du côté de ces regards perpétuels vers le passé: le retour de Kirby, victime emblématique du quatrième film, mais qui connaît un level-up de statut laissant absolument hilare par l'incrédulité qu'il provoque (et rien n'est fait pour le rendre crédible, RIEN, jusque dans des accessoires dignes d'une boutique de farces & attrapes). Hormis se retrouver à faire un concours de pommettes méchamment figées avec Courteney Cox le temps de quelques scènes, la pauvre Hayden Panettiere passera donc d'une figure aimée des fans à celle susceptible de livrer des moments de réel malaise à chacune de ses apparitions !
Tout n'est évidemment pas à jeter dans ce sixième opus mais chaque possible qualité que l'on y décèle se retrouve étouffée par un défaut qui prend invariablement le dessus.
Le groupe de jeunes héros survivants du cinquième se révèle un peu plus attachant qu'auparavant, quelques séquences de face-à-face avec le tueur font mouche (celle avec Gale, du métro), Ghostface se montre effectivement très brutal dans ce paysage new-yorkais, l'idée d'un "sanctuaire" est en soi plutôt amusante... Mais tout cela est sans cesse désamorcé par des idées qui en annihilent quasi-instantanément la sympathie. Ainsi, les atermoiements inintéressants de Sam avec l'ombre de jeunesse numérique de son père, une romance futile, la capacité de survie des protagonistes poussée dans des retranchements grotesques (les "Scream" n'ont jamais fait dans la dentelle sur cet aspect mais là... à croire que tout le monde peut danser la carioca après une dizaine de coups de couteau) ou de piètres tentatives de critiques sur les réseaux sociaux prendront le pas sur tout ce qui avait une chance de tirer vers le haut ce sixième film.
Toutefois, là où "Scream 6" connaît son plus grand échec est incontestablement dans le suspense incontournable qu'il voudrait conserver autour de l'identité de son tueur (ou de ses tueurs). Quelques pistes moins habiles que d'autres ont bien sûr pu parfois trahir l'identité de certains assassins de la saga (surtout dans les derniers films) mais, de ce point de vue, ce sixième opus est tout simplement raté, faisant appel à des ficelles si grossières que l'essentiel de son pot-aux-roses est devinable dès sa première demi-heure pour un cerveau un tant soit peu en état de marche... Oui, vous avez bien lu, DÈS SA PREMIÈRE DEMI-HEURE, rarement un "Scream" ne se sera montré aussi maladroit pour entretenir le mystère autour de ce qui fait une majeure partie de la renommée de la franchise. Et même le peu de choses resté dans l'ombre ne changera pas la donne, surtout en ce qui concerne la question des motivations de son (ses) assassin(s), à la bien trop artificielles par les réminiscences qu'elles voudraient provoquer et bien trop fragiles quant aux bases sur lesquelles elles se construisent pour espérer marquer un minimum. L'acte final le plus désespérément vide et prévisible de la saga pour résumer...
Avec une héroïne de plus en plus emportée par ses démons et une allusion à peine voilée à un possible énième retour, le contenu de "Scream 7" (et a priori dernier opus de cette trilogie des années 2020) semble s'écrire tout seul mais, après ce sixième qui avait si peu de choses à offrir, on ne voit pas trop comment ce futur film pourrait inverser la tendance d'une franchise désormais empêtrée dans les souvenirs de sa gloire qu'elle se contente de décliner sans en retrouver le génie.