Première réalisation d'Edward Norton avant son Motherless Brooklyn qu'il écrira aussi et dans lequel il jouera aux côtés de Bruce Willis, Willem Dafoe et Alec Baldwin, Au nom d'Anna n'est pas tant une réussite dans sa forme que pour son fond. Film prônant de fait la tolérance (un prêtre et un rabais sont les deux héros de l'intrigue, meilleurs amis depuis l'enfance), il se pose surtout comme un triangle amoureux très agréable, divertissant et, s'il comporte quelques longueurs, finalement très léger.
Un succès que l'on doit, premièrement, à la réalisation propre de Norton : toujours bien cadré, posé et soigné, on pourra cependant lui reprocher, peut-être, un trop grand classicisme dans le choix de son atmosphère, animée des mêmes couleurs chaudes et des mêmes décors pas forcément bien posés dans le cadre. Tout autant qu'elle rate son rythme sur certains traits d'humour, on s'y intéressera surtout en tant que mise en scène de drame léger, plus que de comédie romantique.
On ne rit pas aux éclats; non, ici, on s'attache aux personnages, on s'intéresse à leur situation, à plus s'émouvoir de leur histoire qu'à rire de leurs déboires. Ne vous attendez pas à une comédie à part entière; en attestera la présence de Norton et Ben Stiller : l'un apporte son humour, l'autre ses rôles sérieux; sans s'annuler, les deux se complètent et donnent ce drôle de résultat positionné entre le drame et le léger, que l'on ressent surtout vers la fin, au moment des retrouvailles.
C'est cela qui gêne ici : si Norton aura évité la femme manipulatrice vers laquelle il semblait nous amener, il aura mis les deux pieds dans le pathos habituel des comédies romantiques : rencontre, séparation, retrouvailles seront découplées du fait qu'elles concernent trois personnages, et bien appuyé par cette scène affreusement lourde et grotesque, presque ridicule, où Ben Stiller tentera de recouvrer les faveurs d'Anna, interprétée par une Jenna Elfman difficile à cerner.
Il a également évité le piège facile de nous pondre une fable moralisatrice sur deux religions opposées; forcément qu'il perd du coup tout côté réflexif (on aura peu de pistes de réflexion sur la religion, si ce n'est des thématiques basiques telles que le pardon et le désir), mais cela renforce la légèreté de son intrigue. Il aurait été intéressant qu'Anna soit devenue musulmane, pour avoir un propos sur les trois principales religions monothéistes en Amérique.
Un poil longuet dans sa seconde partie (longueurs appuyées par la séparation prévisible et malvenue), Au nom d'Anna se caractérise par la légèreté de son propos, la beauté de son histoire et, s'il pourra se montrer un poil concis dans la quête du pardon (difficile à amener avec un prêtre, cela dit), au moins amènera-t-il un dernier plan qui laisse le sourire, et laisse curieux sur ceque pourrait donner la mise en scène d'Edward Norton sur un thriller au pitch si particulier que son fameux Motherless Brooklyn.