Le surréalisme trace à gros traits ce qu'on pourrait avoir du mal à discerner à traits fins. Le Roi et l'oiseau constitue un sacré morceau du cinéma d'animation.
Le pouvoir représenté par la verticalité du château, au sein duquel vit le roi et les classes dominantes qui s’accommodent de son règne tyrannique. Le personnage est tellement égocentrique qu'il n'est pas capable de voir plus loin que le bout de son nez – littéralement. Il détient un pouvoir de vie ou de mort sur ses sujets, qu'il peut précipiter dans le vide – ou, vu autrement, les faire descendre de l'échelle sociale – en appuyant sur un bouton.
Sa mégalomanie se retrouve aussi dans ses tableaux. Il a la main mise sur l'art et interdit toute œuvre portant atteinte à son image. La preuve avec le peintre qui a l'audace de dessiner son strabisme.
Et pourtant, nichés en haut de son gigantesque château, se trouvent d'autres tableaux, ayant résisté à l'épreuve de la censure. La profonde tristesse de cette situation – qu'on apreçoit lors de la scène où il brise son miroir –, c'est qu'en plus de répandre le malheur autour de lui, le roi est un être malheureux, qui ne s'aime pas lui-même. Tant et si bien que c'est son portrait, au défaut optique corrigé, qui finit par le remplacer.
L'homme jette son dévolu sur une bergère, elle-même éprise d'un ramoneur. Leur fuite – désaccord avec l'autorité royale – les entraîne dans une longue descente du château, les amenant à se cacher dans les bas fonds.
Comme dans Métropolis, une vie prolétarienne existe sous la vie des classes dominantes. À la différence que ces habitants vivent sans soleil, dans la précarité, condamnés à travailler sans relâche pour le roi. On les voit s'échiner à pousser des charges lourdes, travailler à la chaîne dans des usines. La production des statuettes du roi n'est pas sans rappeler, par la forme des esquisses, celle des obus pendant la guerre.
Le parallèle avec 39-45 va plus loin lorsque le roi met en marche son robot géant. Détenant toujours les pleins pouvoirs sur les ouvriers, il condamne le ramoneur et l'oiseau à travailler avec les autres, prétextant que "le travail, c'est la liberté". Sinistre adage qui n'est pas sans rappeler celui qui était inscrit à l'entrée des camps de concentration nazis…
Mais, à force d'union, par un usage motivant de l'art (félins galvanisés par la musique), les classes populaires se liguent et mettent en branle la tyrannie monarchique. L'oiseau, symbole de liberté, pour qui le roi n'avait aucune emprise, s'unit aux autres pour renverser les rapports de force. Idée que, même si sa situation n'était pas aussi précaire que celle du monde du dessous – le roi a, malgré tout, abattu sa compagne à la chasse, et ne cesse de piéger ses oisillons –, ses intérêts convergent avec ceux des prolétaires.
La dernière image est sublime : le géant de fer, après avoir été recontrôlé par les classes inférieures, détruit le château, son mépris et le pouvoir qu'il représente. Il aplanit une structure galvaudée par l'argent et l'autorité. Puis sa main s'approche de la cage à oiseau, libère la créature, et écrase la prison d'un poing déterminé – symbole évident de la lutte ouvrière.