Le Roi et l'Oiseau est un film d'animation sorti en 1953, ressorti en 1980, réalisé par Paul Grimault. Assez méconnu et même parfois oublié, je veux vous parler de ce bijou d'animation, un chef-d'œuvre tiré du livre « La bergère et le ramoneur » de Hans Christian Andersen. Voici l'histoire : le tyrannique roi de Takicardie règne en maître dans son immense château. Il est amoureux d'une bergère ornant une de ses nombreuses peintures, mais celle-ci est déjà prise de passion pour un ramoneur peint sur une toile à côté de la sienne. Les deux amoureux parviennent à s'échapper de leur tableau respectif, et se réfugient dans une tour du palais où un oiseau moqueur a installé son nid. Le roi décide de retrouver la bergère, protégée par le ramoneur et l'oiseau. Reprenant la forme de la fable avec ses personnages divers et sa morale, Le Roi et l'Oiseau est avant tout un film d'animation qui s'éloigne des conventions. Ce long-métrage propose une véritable réflexion sur la figure de la monarchie absolue. Le roi, caricature poussée à l'extrême, dont on peut trouver l'inspiration en la personne de Louis XIV, est un être détestable qui bénéficie d'un fort culte de la personnalité. La chose est moquée au possible quand ce dernier va jusqu'à retoucher lui-même les tableaux le représentant, symbole d'un narcissisme absolu. De plus, sa surreprésentation passant par une construction à la chaine de statues à son effigie démontre d'autres caractéristiques propres au film. Un certain art pour montrer l'absurde, et se moquer de plusieurs sujets entourant cette mégalomanie : la folie des grandeurs traduite par son château immense (réellement immense), l'avènement de la technologie (ascenseurs et usines) ... Le Roi et l'Oiseau a été construit comme une réflexion philosophique pour le public, pour en faire plus qu'un simple divertissement, et cela marche très bien. Bien que le propos soit fort, c'est un long-métrage comique qui, à de nombreuses reprises, joue sur l'absurdité des situations et créer des surprises là où on ne les attend pas. Cependant, c'est aussi une histoire d'amour plutôt légère entre deux personnages qui sont totalement différents, leur union semble impossible à cause du roi. De plus, la traque permanente que mène le roi sur les deux protagonistes instaure un climat tendu, ponctué de moments plus poétique. Tout oppose le ramoneur et la bergère, et un roi avec tous les pouvoirs les pourchasse, ce qui rend d'autant plus fort leur complicité et la grâce avec laquelle ils se tirent de leurs ennuis. L'oiseau qui les accompagne une bonne partie du film a perdu sa femme, chassée par le roi, pourtant très mauvais tireur ! Ce personnage n'a donc plus que ses enfants et agit comme protecteur pour le ramoneur et la bergère, et reste le héros qui se confronte continuellement à l'antagoniste, le roi. Personnage bavard et malicieux, il n'hésite pas à humilier son adversaire qui est rongé par la folie. La diversité des péripéties, le roi tourné en ridicule et le personnage de l'oiseau ; tout cela donne un ensemble plaisant et une richesse de narration. De plus, cette habileté à jouer avec les genres est véritablement impressionnante : drame, comique, policier romance dans un univers merveilleux. Nuancée par moment, la dystopie qui couvre toute l’histoire ne cesse de faire allusion à des moments ou à des périodes qui nous sont connues (la monarchie absolue, j'y vois aussi par moments la collaboration). Bien d'autres citations se lisent à travers les grandes lignes et finalement, le message est fort, universel et sous couvert de divertissement propose une réflexion unique. À noter : l'animation. Avec sa technique à l'ancienne, Le Roi et l'Oiseau est un film magnifique, avec des dessins détaillés. Le château est tellement grand qu'il recèle de détails, de tours et de remparts, ce qui en fait un bâtiment complexe et imposant. Je veux aussi vous mentionner les musiques qui me restent toujours en tête, et même si c’est subjectif, je trouve que chaque aspect du film est marquant. C'est sûrement car les musiques prennent une grande place dans la totalité du film. Néanmoins, il y a des dialogues souvent cyniques, mais peu nombreux. Ils sont signés de la plume de Jacques Prévert, le célèbre poète français qui a une écriture agréable à l'oreille. Cela offre dans l'ensemble un dynamisme précieux qui compense le montage plutôt lent. L'effet du film est percutant. Un travail d'orfèvre qui se ressent chaque minute, répondant à de nouvelles manières de raconter, c'est aussi ce qui fait son charme. Le Roi et l'Oiseau, encore aujourd'hui chef-d’œuvre et représentant du savoir-faire tricolore, inspiration certaine pour beaucoup de films d'animation.