Je n’ai jamais regardé la série créée par Neil Cross mais, pour avoir été un client plus fidèle de ‘Downton abbey’, je sais qu’adapter une série en long-métrage est généralement voué à l’échec. Il faut apporter du neuf et du solide et en même temps inclure tous les marqueurs identifiables, sur une durée qui ne dépasse pas celle de deux épisodes : en général, le fan trouve ça simpliste et le néophyte ne s’y retrouve pas : dans le cas de ‘Luther’, le néophyte, c’était moi. Je ne sais même pas dans quelle mesure cette histoire s’intercale, précède ou suit la série mais le résultat est tout de même parvenu à me dresser le portrait de John Luther, flic névrosé, jusqu'au boutiste, hanté par de mauvais choix passés et une pulsion d’autodestruction. Idriss Elba, que je trouve généralement très bon acteur, m’a un peu laissé sur ma faim, mais peut-être est-ce parce qu’il joue justement comme dans une série, où il ne s’agit pas de tout définir en un tour de main mais de laisser infuser lentement le personnage. Pour le reste, l’adaptation est un polar extrêmement classique, basé sur une légende urbaine (les “red rooms”), ce qui constituait apparemment l’idée centrale de la série. L’ensemble n’est pas toujours très cohérent : le méchant est un trader machiavélique épais comme un câble de frein mais qui tient tête facilement à une armoire à glace comme Elba ; plus tard dans le film, ils se rendent dans le repaire du psychopathe, un hôtel abandonné en haut d’un glacier en Norvège. Euh…les gars, on n’est pas James Bond, une fermette dans le Norfolk, ça aurait été très bien aussi. Heureusement, je fais partie de ceux qui estiment que le réalisme n’est pas indispensable si le spectacle est assuré mais en l'occurrence, ce n’est pas tout à fait le cas : si la personnalité du tueur est suffisamment horrible pour qu’on puisse y voir un hommage aux thrillers poisseux des années 90, la mise en scène n’est pas assez inspirée pour faire de Londres le labyrinthe nocturne angoissant qu’elle était sans doute sur le papier, ruelles et arrière-cours de la capitale britannique faisant plus carte postale que coupe-gorge. ‘Luther : soleil déchu’ se laisse donc suivre distraitement, faute d’une atmosphère solide et, dans mon cas, d’une connaissance préalable de la série. Paradoxalement, il ne m’a pas non plus vraiment donné envie de regarder celle-ci et à mon avis, c’était pourtant un des objectifs de sortir un tel produit sur Netflix.