Après avoir consacré une partie de son œuvre à réaliser des comédies sociales sur le travail comme « Ma petite entreprise », Pierre Jolivet continue à ancrer ses films dans le réel. Et, avec « Les Algues vertes » il frappe fort en prenant une histoire vraie très récente comme sujet qui flirte avec le meilleur du cinéma d’investigation. En suivant une journaliste qui va tenter de faire lumière sur un scandale sanitaire mettant en scène l’industrie agro-alimentaire française, il réussit un grand film pamphlétaire à la simplicité remarquable et à l’efficacité indéniable. On sait les américains très à l’aise avec ce type de productions, de « Erin Brockovich » de Soderbergh sur l’eau contaminée à « Spotlight » de Tom McCarthy sur les prêtres pédophiles en passant par le plus récent « Dark Waters » de Todd Haynes qui revenait sur la contamination des sols. Mais les français ne sont pas en reste depuis quelques années comme le prouve le magistral « Goliath » sur l’agro-chimie ou le récent « La Promesse verte » d’Edouard Bergeron sur les ramifications de l’industrie de l’huile de palme. Des longs-métrages puissants, importants et nécessaires qui mettent la lumière la corruption de notre monde régi par le fric et négligeant la santé des hommes et la conservation de la nature. Des œuvres qui font mal aux esprits, qui bousculent mais qui ont pour point commun de tirer la sonnette d’alarme tout en divertissant le spectateur.
On est ici en Bretagne et une jeune pigiste réalisant des chroniques sur le région va être interpellée sur des morts suspectes d’animaux et de quelques hommes sur le littoral breton. Entre la crainte des agriculteurs de perdre leur travail et qui font l’autruche, des autorités complices avec les gigantesques coopératives agricoles et des familles de victimes bafouées, elle va devoir se battre pour faire éclater la vérité et faire justice. De manière factuelle, avec un scénario implacable qui avance par à-coups de manière rythmée et sans fausse note, en gardant l’essentiel de l’histoire et sans digressions aucune, « Les Algues vertes » nous passionne, nous captive et ne nous lâche pas durant une bonne heure et demie. Et pourtant, il n’y a pas de scènes spectaculaires ou d’ajouts censés impressionner le spectateur. Jolivet garde le cap de l’ultra réalisme avec une mise en scène sage mais adaptée à un tel récit et il peut compter sur une Céline Salette impeccable entourée d’une palanquée de seconds rôles justes entre têtes connues (Jonathan Lambert impeccable en député pragmatique ou encore Julie Ferrier en veuve soumise à l’Omerta). Même les troisièmes rôles moins connus brillent par leur naturel comme cette tenancière de bar empathique ou cet agriculteur désespéré. On apprécie également que le rôle de la journaliste soit bien étayé avec une bonne balance entre l’enquête et sa vie privée, lui donnant beaucoup de coffre.
Mais ce qui marque peut-être le plus dans « Les Algues vertes », outre son traitement brillant et totalement en adéquation avec le sujet, c’est ce qu’il sous-entend. Certes, il ne révolutionne rien comme on a pu le voir avec les œuvres citées précédemment mais, sans esbrouffe, il nous fait réfléchir, nous bouscule et tente, à son petit niveau, de faire bouger les consciences. La loi du silence nous stupéfait, la complicité politique des élus nous scandalise et la corruption généralisée des instances publiques fait froid dans le dos. Encore une fois l’argent est roi et les victimes et l’environnement passent en second. Quant au métier de journalisme d’investigation, il est montré de manière juste et donne encore envie de croire à la beauté de ce métier quand il n’est pas soumis à des narratifs préfabriqués. On se dit que le passé récent avec l’ère Covid et toutes ses magouilles politiques et financières pourrait également donner un très grand film si la censure n’y met pas son grain de sel. Un grand et beau film qui donne à réfléchir.
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