Cette enquête menée tambour battant mérite vraiment le déplacement : bien joué, haletant, habilement monté. On ne peut s’empêcher de penser aux scandales du sang contaminé, du médiator ou de l’amiante. A chaque fois, des intérêts financiers ont bloqué et retardé les révélations, avant que la vérité n’éclate. Le même scénario se renouvelle avec ces algues vertes qui pourrissent les plages bretonnes. Il serait trop facile de mettre en accusation des agriculteurs, victimes eux aussi d’un rouleau compresseur. C’est l’aboutissement d’une longue chaîne de responsabilités : depuis la Plan Marshall d’après-guerre qui déverse sur la France des milliers de tracteurs et d’engrais, jusqu’à la transformation de nos paysages en agriculture intensive et productiviste, en passant par un remembrement permettant d’industrialiser la culture. Avec quatre fois plus de porcs que d’habitants, les déjections animales s’infiltrent et débordent, finissant dans une mer, où elle ensemence des tonnes d’algues qui viennent s’échouer sur le sable. En pourrissant, ces matières diffusent un gaz toxique. Mais, chut, il ne faut rien dire. Justice, préfet, syndicat agricole, élus … se liguent pour camoufler le rapport de cause à effet entre les algues et la survenue de morts s. Surtout ne rien dire, surtout nier, surtout ignorer le danger de santé public. Il y a trop d’enjeux économiques : les banques, les coopératives et les agriculteurs qui se sont endettés pour produite toujours plus ... sur les conseils des premières. Quelques militants réagissent, malgré les menaces qui pèsent sur eux. Quant aux journalistes, les locaux savent mais ne peuvent rien dire et les nationaux peuvent tout dire, mais ne savent pas, comme le disait Daniel Mermet cité dans le scénario. Voilà, en tout cas, une dénonciation bienvenue d’une catastrophe qui a commencé il y a cinquante ans … et qui n’est pas prête à disparaître, tant que les conséquences seules seront traitées (ramassage des algues sur les plages) sans s’attaquer au productivisme qui tient en otage l’élevage et l’agriculture. Une réflexion nécessaire mais désabusée sur le monde tel qu’il va : mal et désespérant !