Sean Penn a commencé assez tôt dans sa carrière à vouloir réaliser des films. Son père, Leo Penn, acteur comme lui, était aussi passé derrière la caméra mais pour un seul et unique film, « A man called Adam » (1966) décrivant la déchéance d’un jazzman interprété par Sammy Davis Jr. . Depuis le film, réévalué, bénéficie d’une aura qui tient sans doute en partie à la notoriété acquise par son fils. « The Pledge » est le troisième long métrage réalisé par Sean Penn qui fait appel une nouvelle fois à Jack Nicholson déjà présent dans « The crossing guard » (1995). Ce nouveau projet, auquel tenaient particulièrement les deux hommes, est inspiré du roman de Friedrich Dürrenmatt paru en 1958, lui-même consécutif au scénario rédigé par Dürrenmatt en personne pour le film de Ladislao Vajda, « Ca s’est passé en plein jour ». La production a été relativement longue et hésitante malgré la réputation de Penn et de Nicholson dont il faut préciser que le premier travail en commun n’avait pas été un franc succès commercial. Jerry Black (Jack Nicholson), flic solitaire qui s’est bâti un fragile équilibre personnel entre son métier et la pêche va devoir prendre sa retraite. Celle-ci semble pourtant le cueillir par surprise quand il découvre un soir que tous ses collègues se sont réunis pour fêter l’événement. Au cours de la fête, Jerry semble flotter dans une sorte d’irréalité mais l’annonce du crime horrible d’une petite fille va agir sur lui comme un déclic qui décide de se rendre sur les lieux comme pour effectuer un dernier au revoir au métier qui se transformera très vite en un refus de rendre les armes. Sean Penn entend tirer tout le parti du profil nouveau de Jack Nicholson alors âgé de 63 ans pour rendre compte de la complexité et de la souffrance psychologique de cet homme qui face à une étape de sa vie qui lui semble infranchissable va se donner le prétexte de la promesse faite à la mère de retrouver le véritable assassin de sa petite fille pour ne pas affronter l’horizon peu engageant de la vieillesse et de la solitude qui fatalement l’accompagnera. Le réalisateur a demandé au grand acteur désormais sérieusement épaissi et lui aussi parvenu à un tournant de sa carrière d’abandonner toutes les afféteries de son jeu, devenues avec le temps sa marque de fabrique et en grande partie l’ingrédient principal de son énorme popularité. Si « The Pledge » suit en partie les canons du film de serial killer, c’est bien le parcours de l’ancien flic en rupture qui intéresse Sean Penn. Le rachat d’une station-service miteuse dans le périmètre d’action supposé du tueur, renforce encore l’étrange impression que Jerry est entré dans un tunnel obsessionnel dont il aura du mal à entrevoir la sortie. Quand survient la rencontre avec une jeune barmaid du coin, elle aussi en déshérence affective, le bonheur semble à portée de main mais bien difficile pour Jerry de complétement se libérer de ses angoisses et de ses obsessions. Le danger change alors de trajectoire puis de cible, laissant penser que Jerry s’en va tout droit vers un choix cornélien qu’il aura bien du mal à arbitrer. La caméra de Chris Mengès (« La déchirure », « Mission », « Le Bayou » ) sous la direction d’un Sean Penn très inspiré, suit minutieusement cette enquête poussiéreuse au rythme alangui dans les montagnes du Nevada tout en ne quittant jamais trop longtemps le regard alternativement absent, concentré et inquiet d’un Jerry sur le fil du rasoir. Sean Penn a su convoquer toute une flopée de pointures venus de tous les horizons comme Benicio Del Toro (un peu théâtral), Harry Dean Stanton (stoïque comme il sait l’être), Vanessa Redgrave (déchirante), Mickey Rourke (juste avant le plongeon final dans les productions indignes de son talent), Aaron Eckhart (buté juste comme il faut), Helen Mirren (comme toujours fascinante) et Sam Shepard (droit comme un i) pour renvoyer la balle au grand acteur dans l’un de ses derniers rôles marquants. Mais c’est à son épouse de l’époque, Robin Wright que Penn demande d’offrir au flic à la dérive une porte de sortie inespérée. Tout comme, il s’est souvenu que Tom Noonan avait été un formidable et terrifiant disciple d’ Hannibal Lecter pour Michael Mann dans « Le sixième sens » en 1986. « The Pledge » confirme que comme pour Paul Newman, Robert Redford et quelques autres tel Warren Beatty, la diversification dans le métier de réalisateur pour une star hollywoodienne peut se révéler être l’expression d’un véritable point de vue que l’adulation des foules et le strass des paillettes n’ont pas complétement affadi ou pire encore étouffé.