Pietro a une dizaine d’années. Turinois, garçon des villes, il passe ses vacances chaque année avec ses parents dans les montagnes du Val d’Aoste où son père, passionné de randonnée, l’entraîne à l’assaut des cimes. Pietro s’y lie d’amitié avec Bruno, un orphelin élevé à la dure par son oncle et sa tante. Malgré leurs différences de classe et leurs choix de vie antagonistes, Pietro décidant de partir au bout du monde alors que Bruno ne franchira jamais les limites de sa vallée, une amitié profonde et durable cimentera les deux hommes.
L’écrivain italien Paolo Cognetti a accédé à la gloire avec ce roman en partie autobiographique écrit au mitan des années 2010. Il obtint le prix Strega, l’équivalent du Goncourt. Sa traduction immédiate en français décrocha la même année le prix Médicis étranger. Je le lus et n’en gardai aucun souvenir. Mauvais présage.
Curieusement, son adaptation est signée de deux cinéastes belges, Felix Van Groeningen, le réalisateur des excellents "Belgica", "Alabama Monroe" et "La Merditude des choses", et sa compagne Charlotte Vandermeersch qui s’embrassèrent à bouche que veux-tu lorsque leur fut décerné en mai dernier à Cannes le prix du jury pour ce film.
Pourquoi diable ont-ils quitté le plat pays qui est le leur pour les intimidantes cimes des Alpes pennines ? Sans doute ont-ils, comme ses innombrables lecteurs, été séduits par la morale du livre.
C’est précisément cette morale, qu’on croirait tout droit sortie d’un manuel de développement personnel, qui m’a donné des boutons : retour à la terre – qui, elle, ne ment pas – hymne à la nature, transmission des valeurs, le tout agrémenté d’un zeste de philosophie bouddhiste (faut-il faire le tour des huit montagnes ou monter au sommet du mont Meru… ou pour le dire autrement faut-il ou pas quitter son village pour vivre sa vie ?)… Beurk !
Et le tout qui plus est dilué dans un film interminable de près de deux heures trente.
Je pourrais arrêter là cette critique cinglante. Mais l’honnêteté m’oblige à reconnaître à ces Huit montagnes quelques qualités. D’abord bien sûr la majestueuse beauté des paysages, hélas engoncée dans une image carrée dont on ne comprend pas la raison. Ensuite, à rebours de la caricature que je viens d’en faire, une prise de distance par rapport aux bienfaits d’une sobriété heureuse au contact de la nature qui, si elle est riante l’été, devient ingrate l’hiver venu. Enfin une durée hors norme que justifie un récit qui prend son temps, qui raconte sur trois décennies l’histoire de deux vies et qui s’autorise quelques détours jusqu’au Népal.