Puisque le titre nous incite à le faire, je me dévoue à donner un avis sur cette enième suite de saga à rallonge, aussi utile qu'un crucifix dans la main d'un moine bouddhiste.
David Gordon Green est le genre de mec qui ressort les livres de cuisine poussiéreux de sa grand-mère, qui tente de refaire les mêmes plats de son enfance, tout en ayant l'impression de faire aussi bien avec exactement les mêmes ingrédients. Mais lorsqu'il les fait goûter tout le monde réalise qu'il manque quelque chose.
Spécialisé dans le soufflet qui retombe à peine sorti du four, Green n'arrivera jamais à égaler les chefs étoilés que sont Carpenter ou dans le cas présent Friedkin et Blatty. Et à force de nous préparer ce genre de plats, on frôle l'indigestion, et un jour elle nous sera peut-être fatale...
Je ne vais pas revenir en détail sur Halloween 2018, qui était une horreur piochant ici et là sans ménagement dans une saga qu'il c'était efforcé d'effacer, ni sur le second qui était proche de la merveille mais dans lequel il se passait tellement de choses que l'on ne savait pas ce qui pourrait être raconté dans la suite. Et c'était chose faite. A force d'en avoir trop dit, il n'avait plus rien à raconter dans Halloween Ends.
Et c'est donc après avoir passé Michael Myers au broyeur que Green fait revenir la saga l'Exorciste des enfers. Peut-être serait-ce un moyen de faire la paix avec ses démons et de nous rabibocher avec lui ? La réponse est quasi unanime, L'Exorciste Dévotion serait une immondice, une horreur absolue, l'antéchrist du film d'horreur...
Mon avis est un peu une bible que je lance dans la tête de tout ces détracteurs. L'Exorciste Dévotion est très loin d'être le film honteux que tout le monde veut nous faire croire. Premier état de fait, le film prend son temps, propose de bonnes alternatives au film original et soulève parfois des questions intéressantes. Même si à aucun moment le film n'arrive à se hisser au même niveau que l'original.
La scène d'introduction à Haïti par exemple aurait dû être plus inquiétante et anxiogène. Deux chiens se battent, la chaleur inonde l’atmosphère, la présence du mal est encore palpable, non pas sous les traits d'une statue de Pazuzu, mais d'un séisme causant mort et désolation. Une mise en bouche qui reste néanmoins réussie et qui rend la relation père/fille qui suit attendrissante. Leslie Odom Jr., portant élégamment le caban, est impeccable. La jeune Lidya Jewett, attachante.
L'arrivée d'Ellen Burstyn apporte un lien logique avec l'original, et surtout une dose de charisme bienvenu. Cette femme, magnifiée par son âge et énormément diminuée physiquement, impose une présence, une grâce et une aura qu'aucune autre actrice des années 2020 ne saurait restituer. Et ce ne sont pas ses 20 minutes à l'écran qui vont y changer quelque chose. Elle apparaît juste ce qu'il faut, là où il faut et avec le minimum de scènes incontournables pour que l'on se souvienne d'elle pendant encore quelques années.
Par la suite rien de nouveau sous le soleil d'Irak. La première partie du film est simple, sans surprise et sans prise de risque. Absolument rien de déplaisant. Quelques scènes ici et là viennent d'ailleurs apporter un peu de sursaut. La scène de l'église, « Le corps et le sang », est particulièrement réussie, avec le héros du Carnosaure produit par Roger Corman dans la peau d'un prêtre impuissant. La scène de l’hôpital au retour des deux filles avec ce test génital renvoi aux thématiques enfouies du film original, et le père se retrouvant fasse au pouilleux qui mime des gestes obscènes nous rappelle que nos enfants ne sont en sécurité nulle part. Enfin la scène complètement folle et sans concession où l'un des personnages se fait crever les yeux par un crucifix risque d'en décontenancer plus d'un. Tout cela fait en sorte que l’encéphalogramme ne soit plat à aucun moment.
Mais il faut forcément un élément négatif nous rappelant que l'on est devant un film de Green. Il raconte beaucoup de chose pendant 1h10, allant même jusqu'à susciter de l'intérêt pour cette histoire et une profonde empathie pour le héros, mais tout retombe avec cet exorcisme final dont il ne manque que Leslie Nielsen ou Anna Farris pour que le casting se retrouve au complet. Malgré quelques loopings bienvenus, comme le prêtre arrivant en héros avant d'être victime d'un 360 degrés quelques secondes plus tard, ou bien le mensonge du démon et ce choix cornélien qu'il impose, les plans s’enchaînent sans logique et sont liés entre eux par des bondieuseries et autres incantations venant tout droit des prospectus de « Maitre Gassim » que l'on reçoit dans nos boites aux lettres. Dommage. Tout ce positif accumulé durant la première partie aurait dû en toute logique nous conduire vers un dernier acte anthologique. Mais c'est une nouvelle fois un Green peu inspiré qui se retrouve aux manettes et nous impose un non savoir-faire exécrable. Les dernières secondes sonnent le glas. Ce speech démodé sur le mal vient littéralement gâcher le retour d'un visage d'antan. Reste néanmoins la musique du générique de fin qui vient nous rappeler à quel point la première partie était une jolie réussite, compte tenue des maigres attentes et du réalisateur à la barre.
Les films de possession démoniaques peine à se renouveler, tout comme les suites de sagas à rallonge qui ne racontent rien d'autre que ce qui a déjà été raconté, en mieux. Mais Green à au moins le mérite d'avoir mis en scène des personnages intéressants, avec une véritable opposition entre les croyances, des scènes qui marques la rétine, et un amour profond pour le film original dont il ne détruit à aucun moment le mythe. Dévotion est une suite classique, ni plus ni moins, sans aucune surprise, et qui se suit sans déplaisir malgré ce dernier acte catastrophique. Le pari est raté de peu.
Dommage que Green soit un conteur qui ne sait pas raconter ses propres histoires, car on en vient à regretter les directions prises par l'Exorciste II ou bien Dominion/au commencement, qui à défaut d'être des incontournables sont soit envoûtants, soit complètement loufoques et ahuris. Des qualités qui manquent au cinéma d'horreur hollywoodien actuel.