« L’Astronaute », c’est le film d’un seul homme, Nicolas Giraud. Il a eu l’idée « folle » du scénario, l’a écrit, l’a mis en image et il incarne le personnage central de l’intrigue : « L’Astronaute » est pour Nicolas Giraud ce que la fusée est pour son personnage : son bébé. Alors, il l’a peaufiné, soigné jusque dans les détails. C’est joliment filmé, avec des transitions bucoliques (ah, la campagne sous la neige, c’est bateau mais ça marche toujours !), des beaux plans, une photographie très sobre, à l’image du travail et des moyens de Jim, son personnage central. Il n’y a pas de place dans la vie de Jim, et donc dans le film, pour du soleil et de la légèreté, pas de place pour une petite histoire d’amour. Sans oublier de glisser quelques toutes petites pointes d’humour ici ou là, et beaucoup de poésie et d’émotion dans ses 15 dernières minutes, Nicolas Giraud nous offre un très beau film sur la passion, l’obstination et la quête de l’absolu. Bien calibré, sans longueurs et (presque) sans faux suspens, son film est habillé d’une musique tout à fait intéressante. La bande originale est parfaitement utilisée, la musique de Superpoze est électronique, un peu répétitive, un peu planante, elle habille joliment certaines scènes clefs du film. Et Nicolas Giraud a la bonne idée de ne pas nous l’imposer quand il ne faut pas, notamment dans son dernier quart d’heure aussi magnifique pour les yeux qu’il est reposant pour les oreilles. Pas trop long, bien dosé en émotion et magnifique à la fin, son film est un joli petit cadeau de cinéma. Au casting, il s’est réservé le premier rôle, celui d’un garçon passionné au point de s’enfermer dans on rêve et d’avoir un peu de mal à nouer des relations sociales. Il a le soutient des femmes de sa famille mais pas de son père qui ne le comprend pas, et a qui il a du mal à expliquer avec des mots pourquoi il ira au bout de son idée folle coûte que coûte, en assumant tous les risques. A ses côtés, Mathieu Kassovitz est un ancien astronaute qui se laisse gagner par l’idée et se met au service de Jim. On est d’abord interloqué de le voir accepter l’idée si facilement, mais on sent vite chez ce personnage la même passion, à peine plus raisonnable. Les seconds rôles sont très bien croqués et interprétés, par Hélène Vincent, Hyppolite Girardot, Ayumi Roux ou Bruno Lochet. Le personnage central de Jim n’écrase pas les autres rôles, au contraire, d’une certaine façon, il les met en valeur. C’est un beau petit casting, avec des comédiens talentueux, au service d’un scénario qui frise la folie douce. Le gros point d’interrogation du film, c’est sa crédibilité. A moins d’être ingénieur ou Spationaute (parce qu’en Europe, on dit Spationaute, pas Astronaute, cette erreur sémantique là au moins, elle ne m’a pas échappé!), bien malin qui peut dire où se situent les incongruités du film.
Peut-on vraiment seul, dans une grange, assembler une fusée capable d’être propulsée en orbite basse ? Peut-on vraiment bidouiller du carburant pour en faire un carburant à fusée ? Peut-on vraiment s’envoler dans l’atmosphère pour faire un tour total de la Terre sans se prendre un missile chinois ou américain dans la tronche ? Peut-on décoller loin de l’Equateur, dans une région boisée, sans foutre le feu à toute la forêt alentour ?
Toutes ces questions sont légitimes, et je ne suis pas certaine que le film soit totalement crédible sur tout ou partie de ces problématiques. Mais, plus le temps passe, plus les scènes s’enchainent, et plus on y croit. Embarqué par l’enthousiasme de Jim et de sa petite équipe, on met nos interrogations dans nos poches, on met nos mouchoirs dessus et on se laisse porter, vers l’infini et au-delà. Parce qu’au fond, la science, la géopolitique, l’astrophysique, la menace de la DGSI, tout ça est gommé par la poésie du film, par la quête d’absolu de ce garçon si passionné que cela en devient troublant. S’il parvient à aller dans l’Espace, il n’ira pas seul, il emmènera le souvenir de son grand-père, il emmènera toute la passion de ses complices (car ce qu’il fait est tout à fait illégal, bien entendu), il emmènera toute l’Humanité avec lui. La conquête spatiale, la force qui mue tous les humains vers l’inconnu depuis toujours, c’est tout cela que Jim emmène avec lui. C’est pour cela qu’en dépit de toutes les interrogations de crédibilité du scénario, « L’Astronaute » fonctionne sur le spectateur, parce que le film parle à quelques chose qui se situe dans le cerveau reptilien de tout le monde : la quête de l’impossible, la quête de l’Absolu.