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Second tour est le huitième long-métrage d’Albert Dupontel, et de manière peut-être encore plus puissante qu’avec le fantastique multi-césarisé Adieu les cons (2020), le réalisateur touche ici à la grâce. Depuis ses premiers sketchs avec Rambo en étendard, où déjà une singularité sautait aux yeux, le cinéaste tourne autour d’un message d’humanité avec un talent qui ne cesse de croître. De Bernie (1996) à Second tour, Dupontel nous raconte que la difficulté c’est de s’aimer dans un monde dépressif et anxiogène.
Au-delà du pamphlet politique et surtout philosophique, Second tour est un grand moment de cinéma, une jubilation, c’est profond, humain, intelligent, révolutionnaire. C’est un film profondément écologiste, sans jamais être dogmatique ou dans une approche punitive boboïsante. Car c’est en fait la poésie qui s’impose à chaque dialogue, chaque image, chaque situation.
Le film n’oublie pas pour autant de porter un regard acerbe sur le système médiatique et les terrifiants enjeux de pouvoir élyséen, politiques et financiers. C’est au vitriol, mais jamais dans la violence ou la gratuité. C’est simplement un objet de lutte contre l’uniformisation, l’endormissement des masses mais sans jamais donner la leçon. Le film élève et nous porte. Il souligne simplement l’abêtissement cathodique, l’anéantissement du beau et du vrai, les artifices du paraître. C’est le retour non béat à la terre, à l’eau et à l’air. Le cinéaste malin, engagé et tellement créatif, parvient avec virtuosité à contourner les codes du classicisme dans la dénonciation du capitalisme carnassier.
La mise en scène s’inscrit dans le plus pur style de l’univers de Dupontel, influencé autant par Terry Gilliam que Charlie Chaplin. La folie de l’intelligence littéraire des dialogues, l’absurdité burlesque de tant de situations qui nous amène sur les chemins de l’hilarité soudaine et de la jubilation permanente. Le réalisateur n’est pas fan de l’univers de la bande dessinée par hasard. Avec cette splendeur formelle dans des jeux de couleurs sciemment jaunis, voire poussiéreux, mais le soleil jamais loin perce, la nature toujours là, flamboie. C’est une ode écologiste et humaine qui fend le cœur.
Dupontel nous éclaire mais ne nous abreuve jamais. Il glisse aussi subrepticement une romance assez universelle, mais là aussi sans lourdeur, ou sans avoir à le faire par nécessité. Elle est comme tout le reste, évidemment naturelle. Une histoire forcément contrariée, sinon ce n’est pas une histoire comme le souligne Dupontel : « Notamment des premières histoires d’amour qui n’aboutissent jamais mais laissent des cicatrices indélébiles. »
Et puis, il y a le pote. Il y a celui qui joue dans tous ses films. De ces acteurs autant discrets qu’ils nous sont subliminalement indispensables. Nicolas Marié, qui lui aussi dans Adieu les cons, nous avait tant séduit dans son décalage, tout en hurlant de rire avec son « Un handicapé ne va pas en prison !! « . Ici, il est toujours aussi juste, dans un rôle écrit sur mesure, afin qu’il donne la pleine mesure d’un talent qui ici rayonne. Il nous fait toujours autant marrer, tout en nous touchant l’air de rien en plein cœur.
Dans Second tour, Dupontel prolonge avec encore plus de poésie son art de l’utopie déjà si étincelante dans Adieu les cons. Il y met toute la profondeur de son âme, et que celle-ci est grande et forte. C’est un grand monsieur, un grand réalisateur… Dupontel président !!!