Albert Dupontel est de retour et il signe une nouvelle une comédie intelligente comme celles dont il a le secret depuis ses débuts derrière la caméra il y a désormais vingt-cinq ans. Et on est content de voir qu’avec le succès grandissant de ses films, il ne perde pas sa verve contestataire et son identité singulière. Bien sûr, et c’est tant mieux, ses dernières œuvres sont bien moins foutraques qu’auparavant aussi bien sur la forme que sur le fond. Si le visuel de ses films d’antan faisait d’ailleurs parfois penser à ceux du duo Kervern/Délépine (le premier fait par ailleurs un caméo assez jouissif ici), il signe désormais des films bien plus aboutis et travaillés formellement, que ce soit dans la photographie jaunâtre qui lui est chère, dans la confection de ses plans qui sortent de l’ordinaire ou dans son montage toujours frénétique. Il a su créer puis développer un univers bien à lui, facilement reconnaissable et dans la lignée de son précédent film, l’excellent « Adieu les cons ». Dans sa filmographie, seul tranche le multi-césarisé « Au revoir là-haut » (et pourtant pas son meilleur), une œuvre un tantinet plus académique et moins directement satisfaisante...
Ici Dupontel qui reste une personnalité poil à gratter, un peu antisystème et qui n’a pas sa langue dans sa poche, se penche sur les élections et la politique française. On s’attendait à un festin pamphlétaire qui tire à boulets rouges sur toutes nos institutions et empreint d’un mauvais goût jubilatoire. Au final, on est peut-être un peu déçu de voir que l’auteur, sans pour autant rentrer dans le rang, s’est tout de même un peu assagi. Mais ce que sa charge perd en virulence, elle le gagne en finesse et touchera peut-être un audimat plus large et en réveillera certains. Moins édifiant, choc et percutant que des films d’investigation tel que, par exemple, le magistral et déchirant « Goliath » qui traitait des lobbies agro-alimentaires, Dupontel tire ici le portrait de tout un système pourri et vérolé de l’intérieur. Un système pseudo-démocratique, un petit théâtre politique faisant simulacre pour endormir le peuple, faits de sponsors, de lobbies et d’un milieu des affaires qui influence/gangrène constamment nos institutions, notamment politiques. Et il adjoint à ce constat évident (enfin pas pour tous...) le manque de transparence des médias et le fait qu’ils sont soumis aux lignes éditoriales de ceux qui les possèdent. Dans « Second tour » tout cela est dit de manière limpide mais quand on est avide de ces sujets tout autant que révoltés par ce constat indiquant l’endoctrinement et la bêtise de toute une partie de la population, on aurait forcément aimé quelque chose de plus rentre-dedans et moins sage.
Ceci mis de côté, on peut aussi pointer du doigt le côté complètement tarabiscoté de son histoire. On aurait presque l’impression d’une intrigue de bande-dessinée, un art vers lequel le cinéma de Dupontel lorgne souvent. Mais même si elle nous apparaît partir dans tous les sens et hautement improbable, elle colle totalement à cette comédie satirique au rythme effréné qui ne tolère pas l’ennui. L’acteur joue le rôle principal avec la maestria qu’on lui connaît et s’adjoint cette fois les services de Cécile de France, aussi à l’aise dans cet univers qu’a pu l’être Virginie Efira dans son dernier film. Quant au fidèle Nicolas Marié, il excelle ici en assistant fan de sports et on lui doit les scènes les plus drôles du film (et elles le sont!). Quelques petites fautes de goût et l’impression d’un script parfois rafistolé, incohérent et bordélique n’entachent pas pour autant le plaisir qu’on à suivre cet auteur pas comme les autres asséner des vérités sur un monde qui ne tourne plus rond et essentiellement tourné vers la corruption par le pouvoir et l’argent. Il enfonce des portes ouvertes? Oui, mais il a le culot de le faire sans gêne et honte et avec bonne humeur grâce à ce « Second tour » revigorant.
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