Abuela est le nouveau film « d’horreur » de Paco Plaza, le célèbre réalisateur des REC., s’entourant d’Almudena Amor et de Vera Valdez, pour une histoire en huis clos, où la folie grandissante de la grand-mère va s’emparer petit à petit des pensées de sa petite-fille.
En effet, Paco Plaza place sa nouvelle histoire en Espagne, à Madrid, où Susana (Almudena Amor), jeune mannequin de 25 ans vivant à Paris, et à deux doigts de franchir le pas vers le monde des strass et des paillettes parisien, en prenant de la cocaïne avec ses « amis » issus de la mode ; mais subitement, elle reçoit un appel « urgent » lui indiquant que sa grand-mère Pilar (Vera Valdez) a eu un grave accident, et qu’elle doit vite revenir à Madrid, puisque celle-ci, suite à l’accident, est devenue muette. La cohabitation avec Pilar va devenir de plus en plus étrange et énigmatique, où de complexes cauchemars réveilleront constamment Susana et où des événements paranormaux et sibyllins se produiront progressivement… Susana fera alors de terribles découvertes sur son passé et ses ancêtres…
Le film qui a notamment remporté le Prix du Jury exaequo au dernier Festival International du film fantastique de Gérardmer en 2022, est réalisé par Paco Plaza, sur un scénario de Carlos Vermut, et c’est un essai très réussi. Au-delà du film d’horreur à « jump scare » incessants, Paco Plaza privilégie l’histoire en premier lieu, sur un scénario compliqué mais troublant, où le spectateur cherche durant tout le film à comprendre ce qui se passe dans cet appartement puis de trouver les réponses, aux côtés de Susana sur ses origines. Le style cinématographique de Paco Plaza se note ici par des plans d’ensemble mais également beaucoup de plan-séquences afin de suivre Susana dans l’appartement, passant de sa chambre au salon puis du salon à la cuisine, ou encore du salon à la chambre de sa grand-mère, et surtout dans la salle de bain, lors d’une scène finale impressionnante où le climax se note d’emblée mais qui est très bien exécuté. De plus, Plaza place une histoire dans un cadre réelle, soit Madrid 2021, dans un appartement occupé par une jeune femme et sa grand-mère ; et il arrive à intégrer la part de fiction ou de surnaturel, sans que cela soit perturbant ni dérangeant. Le réalisateur maîtrise également les espaces de l’appartement, et par conséquent, il est très habile avec le huis clos, exercice difficile, et Plaza en fait particulièrement sa force. Tout le film n’est qu’un jeu de pistes, où pléthore d’éléments sont visibles si on y prête attention, dès l’introduction du film notamment. Le scénario de Vermut est une sorte de matrice où chaque détail s’imbrique les uns avec les autres pour avoir accès à la connaissance et à la vérité. Par exemple, l’appartement est rempli d’imagerie d’oiseaux, dans des cages à oiseaux et/ou sur des peintures.
Quant aux deux protagonistes, elles sont éblouissantes de justesse. Almudena Amor, qui cette année, a joué également chez Fernando León de Aranoa en compagnie de Javier Bardem dans le film espagnol à succès, la comédie « El buen patrón » remportant 6 Goyas en 2022 dont les principaux tels le meilleur film, meilleur acteur et meilleur réalisateur, et elle change de direction artistique à 180° en passant de la comédie au film d’horreur, et sa palette d’interprétation est déjà très intéressante, où dans les deux films, sa manière de jouer est très convaincante, où en tant que spectateur, on ressent l’effroi et l’incompréhension qu’elle ressent vis-à-vis de l’atmosphère dans cet appartement et envers sa grand-mère. De l’autre côté, Vera Valdez incarne la grand-mère muette, troublante voire effrayante. Vera Valdez est une mannequin brésilienne qui a réalisé sa carrière de mannequinat en France notamment chez Chanel et Dior, et elle deviendra l’amante de Louis Malle et réalisera notamment les costumes de son film, Le feu follet en 1963, où elle aidera en parallèle l’acteur principal du film, Maurice Ronnet, qui avait des problèmes d’alcool, et de plus, elle aura un petit rôle dans ce film ; et on la retrouve cette année sous la houlette de Paco Plaza, dans un rôle effrayant et énigmatique.
Le thème principal du film est la peur de la vieillesse, et quoi de mieux pour représenter cette crainte de viellir par deux actrices, une jeune femme espagnole et une ancienne brésilienne, toutes deux mannequins avant d’emprunter la voie du septième art ; et Plaza place ce thème à travers le prisme du personnage de Almudena Amor, qui s’inscrit dans la mode, la beauté permanente, l’élégance, la classe, etc. On observe aussi les thèmes de la peur de la mort, la perte de la beauté, la douleur, les rêves brisés, le passé et la famille.
Néanmoins, quelques défauts viennent se greffer au tableau. De prime abord, une certaine longueur se fait ressentir, notamment lorsque Vera Valdez est à l’hôpital et que Susana essaie de revenir à Paris… on note effectivement un bon quart d’heure en trop dans le film. De plus, le scénario est parfois alambiqué et se prend les pieds dans le tapis, où certains scènes en suivent d’autres sans forcément de corrélation entre elles, notamment sur la question de jeunesse éternelle et de vieillesse autour du travail de Susana qui souhaite y revenir mais qui est en même temps piégée à Madrid, et une certain faux rythme apparaît également au bout de 40/50 minutes du film. Mais des scènes très fortes se trouvent dans ce film comme la scène quasiment finale, dans la salle de bain, avec le miroir, qui est bien réalisée, en plan-séquence, la musique colle parfaitement, les plans sont rapidement exécutés, et les actrices sont également convaincantes. 4/5 !