Quel drôle de titre, L'Origine du mal ? Ce n'est pas forcément la meilleure trouvaille du réalisateur Sébastien Marnier. Pour sa défense, Succession était l'intitulé original. Sauf qu'entre-temps, une série HBO du même nom a fait beaucoup parler d'elle. D'un autre point de vue, ce choix place le long-métrage dans la droite lignée d'un Claude Chabrol, type La Fleur du mal ou Les Noces Rouges et tant d'autres. Famille dysfonctionnelle, relations toxiques, cadavres dans le placard ; n'en jetez plus, tout est là.
Un spectateur un peu attentif devinera les gros rebondissements avec pas mal d'avance. Au cas où, le règlement de compte en petit comité sera surligné à coups de métaphores (la plante Dionée qui croque les mouches, par exemple). Ce qui se ressent dans son épilogue, un poil longuet. Il est également dommage d'avoir sacrifié le personnage de Jeanne (l'adolescente photographe) qui pourrait être totalement oblitérée sans incidence sur l'intrigue. Rien à reprocher à Céleste Brunnquell, la jeune actrice est très bien. Hélas, elle a si peu à défendre.
En somme, le film n'est pas à prendre comme un thriller en charentaises. L'Origine du mal est en réalité une satire noire plus turbulente que prévu. Si le patriarcat est en ligne de mire, Sébastien Marnier prend plaisir à décaler ou diviser le point de vue (très bon usage du split-screen par ailleurs) pour révéler une façade en trompe-l'œil. Perspicace ou candide, l'opinion que vous projetez sur les personnages va s'affiner avec le temps. Faux-semblants, mensonges, demi-vérités sont le langage à maîtriser pour une décoder une espèce bouffée par la rancœur ou la convoitise. Fort heureusement, la tâche se fait avec grand plaisir. Et pas mal d'éclats de rire.
La distribution est une vraie arme fatale, parfaitement affutée pour viser juste. À ce petit jeu, Dominique Blanc est tout bonnement incroyable. De prime abord, on craint le surjeu face à ses camarades dans un registre plus intériorisé. La comédienne rend pourtant cette partition à priori décalée totalement à sa place et fait passer de la gravité sans prévenir. De là à voler la vedette ? Pas loin, et c'est déjà exceptionnel. Laure Calamy est une fois de plus parfaite dans un rôle jouant à merveille de sa fraicheur. Doria Tillier tranche avec précision, Suzanne Clément est un bloc d'émotions brutes. Quant à Jacques Weber, il campe un troublant chef de famille à la force tranquille (?).
L'Origine du mal est une preuve supplémentaire que le cinéma français mérite bien plus d'attention que les remarques à l'emporte-pièce et autres sophismes se répandant à longueur de messages sur les réseaux sociaux. On peut questionner la manière de le "vendre", ça oui. Mais de sa bonne volonté et des innombrables tentatives pour secouer les genres, ça non. Sébastien Marnier le rappelle aujourd'hui. Sans atteindre les cimes chatouillées, il en est néanmoins suffisamment proche pour imposer le respect.