Clint l'acteur ne variait pas trop de registre. Le cinéaste, lui, a vite montré des talents divers. Breezy n'est pas des films qui marquent, mais de ceux qui éclairent. L'Amour impossible est l'un des sujets les plus rebattus du cinéma, mais Clint fait fi des clichés. L'héroïne, incarnation rêvée de la libération des moeurs, n'a ni passé sordide, ni addiction. Apparemment naïve dans son utopie et en même temps sacrément malicieuse, les paroles de Breezy interpellent.
Une des forces du film, c'est de distiller les réflexions en évitant les pontifs du genre "peu importe la différence d'âge, tant qu'ils s'aiment". Pas de romantisme baveux. Par petites touches, on finit par saisir ce qui rend Breezy mystérieuse. Il s'agit d'arrêter de tout estimer, de tout compter. Elle offre son amour à tous, ne se soucie pas d'un quelconque retour, et encore moins de savoir si elle a gagné au change ou pas.
Bien sûr, le film parle du vieillissement, de la fatigue et du renfermement associés, de la disparition de la spontanéité des sentiments, le refus de la prise de risque, de l'engagement. Mais résumer le film à cela est manquer sa substance. Finalement, Breezy est la petite soeur de la femme de Jules et Jim, elle recherche la forme d'amour parfaite. Seulement l'émancipation est passée par là, et Breezy est nettement plus sereine. On a envie de la serrer dans ses bras à la fin lorsqu'elle dit "Un an?! tu te rends compte!". Le film permet surtout, plus particulièrement pour les gens nés après 1980 comme moi, de comprendre en quoi la société a vécu une authentique régression depuis les années 70. Aujourd'hui, il est impossible même d'envisager les choses sous cet angle. On comprend mieux les incompréhensions inévitables avec la généraion du baby boom qui a vécu un véritable élan social et humain, alors qu'aujourd'hui l'obsession de la réussite, le règne de l'argent, l'apologie de la concurrence, conduisent à appréhender les choses à l'opposé de Breezy.